Orateur(s)
Bruno Gemenne Sustainability Manager (HEC Liège, S'LAB, ULiège)
Emma Van Zundert Coordinatrice (Belgium B Corp)
Ann Vandenhende Corporate Social Responsibility Manager (Spadel)

Les certifications redéfinissent-elles les entreprises du 21ème siècle ? Le cas inspirant de B Corp

En partenariat avec Verviers, Entreprenez & Enzyme Formations, HEC Liege
    Résumé

    Bruno Gemenne (Sustainability Manager, HEC Liège, S'LAB, ULiège) a posé le cadre de la rencontre. Il a présenté la matrice de Dyllick et Muff (2015) qui propose une approche pratique pour évaluer et classer les entreprises selon le niveau d'intégration de la durabilité dans leur organisation. Il en ressort une typologie avec 3 niveaux de maturité :

    • Business Sustainability 1.0 : on change la préoccupation de l’entreprise qui passe de l’intérêt économique uniquement, au 3P (People, Planet, Profit) ;
    • Business Sustainability 2.0 : on veut aboutir à de la création de valeur non plus seulement pour les actionnaires, mais aussi pour les personnes, la planète et l'économie.
    • Business Sustainability 3.0 : l’entreprise cherche à minimiser ses impacts négatifs et à comprendre comment elle peut créer un impact positif significatif dans les domaines critiques et pertinents pour la société et la planète. Elle va répondre de façon proactive à un enjeu de durabilité qui existe dans son écosystème.

    Bruno Gemenne a ensuite rappelé d’où venait le rapport de durabilité en introduisant les notions de DD (Développement Durable), de RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) et de critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance). Il a également présenté les trois directives/régulations issues du Green Deal : la Taxonomie de l'UE qui fournit un cadre pour identifier les activités économiques durables, facilitant ainsi les investissements verts ; la Directive sur le Devoir de Vigilance des Entreprises (CSDDD) qui impose aux entreprises de respecter des normes strictes en matière de droits de l'homme et d'environnement tout au long de leur chaîne de valeur, renforçant la responsabilité des entreprises envers la société et la planète ; et la CRSD (Corporate Sustainability Reporting Directive).

    Il a ensuite précisé ce qu’est la CRSD et ses objectifs principaux qui sont d’améliorer la qualité et la comparabilité des informations ESG publiées par les entreprises, d’accroître la transparence envers les parties prenantes et d’encourager les entreprises à adopter des pratiques plus durables. Dès 2025, les plus grandes entreprises vont devoir se prêter à l’exercice (données de 2024). Au fil des années, cela va concerner de plus en plus d’entreprises mais aussi rapidement les PME, par effet de ruissellement. 

    Bruno Gemenne a ensuite présenté les risques et contraintes (coûts en temps, moyens humains et financiers, risques réputationnels, relations commerciales potentiellement impactées, difficulté d’accès de financement) et les opportunités (être à l’avant-garde de la législation, avantage concurrentiel, préférence des investisseurs, innovation, engagement de ses parties prenantes, amélioration de l’image de marque, gains en efficacité, attention des consommateurs, attractivité pour les talents), qu’il voyait pour les entreprises. En sachant que les risques vont aller croissant avec le temps. Enfin, il a introduit la certification B Corp qui dans le cadre de la CRSD, est une démarche proactive de l’entreprise.

    Emma Van Zundert (Coordinatrice de Belgium B Corp) a ensuite expliqué ce qu’était la certification B Corp et le mouvement B Lab qui est une organisation non-gouvernementale internationale qui a pour objectif de changer le système économique actuel en un système inclusif, équitable et régénérateur. Pour arriver à un changement systémique, B Lab utilise la certification B Corp pour influencer les entreprises et challenger leur rôle dans notre société d'aujourd’hui (création d’impact positif), notamment en incitant à un changement dans leur statut juridique. Le « B » de B Corp signifie « bénéfice pour tou.te.s » tandis que « Corp » fait référence à des corporations. Sont donc éligibles à la certification B Corp, sauf exceptions, toute entreprise à but lucratif (pas d’ASBL), peu importe sa taille, à partie d’un an d’activité. Un aspect unique de B Corp est sa communauté qui se rencontre régulièrement. La croissance du mouvement B Corp est exponentielle ces dernières années. En Belgique, on compte 104 entreprises certifiées, dont 24 en Wallonie, dans des secteurs divers.

    La certification B Corp est holistique et repose sur 5 piliers qui sont : environnement, clients, collectivité, gouvernance, collaborateurs.trices. L’outil BIA est utilisé pour certifier les entreprises. C’est un outil gratuit et confidentiel, accessible en ligne, qui vise à gérer et mesurer l’impact des organisations. Il permet une analyse comparative (l’entreprise peut se comparer à des entreprises de même taille et même secteur) et encourage l’amélioration continue. Les entreprises doivent se recertifier tous les trois ans et on note souvent une amélioration de leur score. La démarche de certification est exigeante mais Emma Van Zundert engage à utiliser l’outil de mesure d’impact même sans viser la certification. Elle a présenté quelques arguments pour lesquels les entreprises choisissent B Corp comme attirer les talents, améliorer son impact, rejoindre un mouvement, se différencier de ses concurrents ou encore se préparer aux prochaines législations de l’UE.

    L’oratrice a terminé son intervention en expliquant que B-Lab travaille actuellement sur l’évolution des standards B Corp (en incluant notamment les nouvelles directives de l’UE). La nouvelle version reprendra neuf thématiques et l’entreprise devra avoir un score minimum dans chaque catégorie.

    La conférence s’est poursuivie avec le cas pratique de Spadel, présenté par Ann Vandenhende (Corporate Social Responsibility Manager chez Spadel). Elle a présenté en quelques mots les produits et l’entreprise Spadel (active dans quatre pays) ainsi que l’objectif et la vision de l’entreprise. Leur stratégie développement durable a été mise en place en 2020 sur base de 4 piliers intitulés : vert (concernant le climat, le packaging et la biodiversité), pure (pour notamment la protection et la pureté de leurs sources), local (avec un engagement de ne pas s’exporter, inclus aussi les fournisseurs), ensemble (l’humain). Pour chaque pilier, des KPIs très clairs ont été définis.

    Alors pourquoi avoir choisi B Corp ? Spadel cherchait un moyen de se faire challenger, de s'améliorer et c’est dans ce cadre qu’ils ont trouvé B Corp. Ils ont décidé de se lancer dans la certification pour l’ensemble de leurs filiales. Premièrement, ils ont dû modifier leur statut, ce qui n’a pas été si évident et a amené des discussions. Avec le changement de statut, l’entreprise s’engage à ne pas seulement réaliser des bénéfices pour ses actionnaires, mais aussi à bénéficier à la société et aux parties prenantes au sens large. Deuxièmement, il a fallu réussir l’évaluation d’impact de B Corp et obtenir les 80 points minimums.

    Ann Vandenhende a partagé les défis et les atouts de Spadel qui ont été identifiés grâce à l’analyse B Corp. Elle a aussi abordé la communication en interne autour de la certification. Il a fallu vulgariser (via la création d’une BD par exemple). Cela a aussi créé une atmosphère positive dans l'entreprise. L’oratrice souligne que B Corp n’est pas encore connu par les consommateurs belges. Spadel a, par contre, un bon retour des supermarchés. Il y a donc tout un travail de marketing à faire pour faire connaître B Corp. En conclusion, Ann Vandenhende a mis en avant que le travail réalisé dans le cadre de B Corp a été intégré dans les valeurs de l’entreprise qui souhaite «créer un impact positif».

    Les entreprises, moteurs de notre système économique, se posent de plus en plus de questions sur leurs impacts sociétaux et environnementaux. En parallèle, des certifications émergent afin d’influer sur le secteur privé et ainsi redéfinir le rôle des entreprises dans notre société.

    Le mouvement B Corp a cette ambition : veiller au comportement des entreprises et à leurs impacts, afin de s’engager dans une politique de changement.

    Pourquoi les entreprises font-elles le choix de suivre un processus rigoureux d’évaluation de leurs performances sociales et environnementales, ainsi que de leur transparence et responsabilité ?

    À l’occasion de cette rencontre-conférence, Bruno Gemenne nous permettra de prendre de la hauteur sur le « monde » des certifications, Emma Van Zundert nous évoquera le mouvement B Corp et ses ambitions, et Ann Vandenhende nous partagera l’expérience du processus de certification B Corp et les impacts de celui-ci pour Spadel.