Vers des solutions low-tech en entreprise ?
Résumé
Cette rencontre-conférence fut l’occasion de découvrir la démarche Low Tech.
Jean-Pierre Raskin, Professeur à l’École Polytechnique–Pôle en Ingénierie Électrique de l’Institut ICTEAM de l’UCL, a commencé son exposé en nous parlant de son domaine de recherche, la nano-électronique, et des travaux effectués dans son laboratoire. Ce dernier étudie le fonctionnement des transistors afin de pouvoir introduire et développer de nouveaux matériaux. Une autre partie de leurs recherches souhaite comprendre le comportement des matériaux à l’échelle nano.
Jean-Pierre Raskin a lancé, il y a dix ans, un cours « Ingénieux Sud » car, pour lui, la technologie n’est pas neutre et a aussi un impact social. Il essaye de développer une électronique plus durable grâce à un réseau européen.
L’orateur a également interrogé la notion de progrès, qui guide toujours la recherche actuelle, et nous a encouragé à trouver un autre narratif que celui dominant aujourd’hui, à savoir une évolution temporelle linéaire, associée aux « progrès » industriel. En effet, notre évolution est plutôt la conséquence de choix faits à certaines bifurcations au cours de l’Histoire. Par exemple, certaines avancées technologiques n’ont pas été utilisées à l’époque de leur invention (la première voiture électrique inventée en 1842 ou le premier panneau solaire en 1883, par exemple) mais sont revenues sur le devant de la scène aujourd’hui et sont néanmoins présentées comme issus du processus d’évolution linéaire de l’innovation.
Jean-Pierre Raskin a ensuite défini le Low Tech : un mouvement minoritaire et techno critique grandissant, qui fait appel au technodiscernement.
Les 3 grands principes d’un objet low tech sont d’être :
- Utile (ce qui implique de savoir à quelle société on veut contribuer)
- Accessible – Appropriable
- Durable (ce qui inclut réparable, recyclable, etc.)
Or, le système actuel travaille plutôt sur des technologies additives, à la complexité croissante tant au niveau des matériaux (alliages plus complexes et non-recyclables) que des processus (par exemple, la miniaturisation).
Donc, comment réenchanter les technologies ? Selon le chercheur, en acceptant cette complexité et en adoptant une approche holistique, systémique. En s’appuyant sur le livre de M. F. Ashby (cf. slides), il a présenté un processus en 5 étapes : la prise de conscience ; réfléchir aux parties prenantes ; rechercher les faits (en introduisant de nouveaux indicateurs) ; prendre en compte l’impact sur les 3 P ; débattre en société des technologies.
Jean-Pierre Raskin a ensuite donné quelques exemples de technologies plus durables, appropriables et/ou accessibles : la réparation de mémoires flash ; la diffusion d’un respirateur (open hardware) ; influencAir, des kits à fabriquer qui fournissent des données sur la qualité de l’air (science citoyenne).
Il a conclu en soulignant que les doux rêveurs actuels sont ceux qui pensent que nous pouvons continuer à fonctionner comme nous le faisons aujourd’hui.
Kim Maréchal, Project Manager au sein du Low-Tech Liège, et Jean-Marc Willems, Fondateur d’Attrap'sushi et également membre de Low-Tech Liège, ont ensuite partagé leur expérience. Kim Maréchal a expliqué que le Low-Tech Lab de Liège est une communauté de citoyens qui essayent de produire des outils low tech en s’inspirant du mouvement initié en France par Corentin de Chatelperron. Il s’agit de la première communauté belge affirmée low tech. Elle rassemble des personnes ressources multi-sectorielle, intéressées par la démarche low tech et qui propose de faire émerger des technologies low tech pour répondre à des besoins, en utilisant l’intelligence collective. Pour ce faire, Low-Tech Liège travaille par groupe de travail thématiques (habitat, énergie, santé, …). Kim Maréchal a donné comme exemple l’utilisation de technologie low tech, celui des toilettes sèches (expérimentées dans l’habitat dans une ville française) qui, en plus d’une grande économie d’eau, pourraient être à la base du développement d’une toute nouvelle filière (de la construction de l’objet au processus d’assainissement, en passant par la distribution et la valorisation en engrais naturel pour les agriculteurs). Ainsi, un objet low tech peut impliquer toute une réflexion de société au potentiel important pour développer une nouvelle économie vertueuse (post-croissante). Et il manque des filières pour beaucoup d’outils low tech…
Jean-Marc Willems nous a ensuite partagé son projet de cantine partagée, avec Step entreprendre et la Ceinture Aliment-Terre Liégeoise, dont le but est d’aider les personnes sortant de couveuses d’entreprises en leur prêtant du matériel, afin qu’ils puissent voir de quoi ils ont réellement besoin dans leur pratique (mutualisation d’un lieu et de matériel). Il s’agit aussi de sensibiliser à la question low tech et de permettre à chacun d’agir à son échelle.
Retrouvez ci-dessous les présentations de la rencontre :
Vers des solutions low-tech en entreprise ? from LIEGE CREATIVEAnnonce
Le concept des low-tech est un courant de pensée qui s’oppose au développement effréné de l'high-tech qui continue à transformer profondément le monde. Le 21ème siècle est définitivement l'âge du numérique et des communications. Les objets communicants dits intelligents se déploient massivement pour créer un environnement interactif (Internet of Things). Tout semble être rapide, propre, reconfigurable, etc., mais derrière nos écrans, il y a une industrie qui requiert plus que jamais de l'espace, de l'énergie et de la matière. En parallèle, les crises se succèdent, qu’elles soient économiques, climatiques, environnementales, ou sociales.
Face à ces crises systémiques, la société se polarise. Pour certains l'high-tech est à l’origine de tous les maux de la société moderne et pour d’autres ce sont au contraire ces mêmes technologies qui vont pouvoir répondre aux défis sociétaux actuels et futurs. Une évidence s'impose : l'urgent que les scientifiques et les entreprises adoptent une démarche holistique afin de définir, avec et pour les citoyens, une société plus durable et égalitaire. Gageons qu'une nouvelle génération d’acteurs privilégiera la collaboration et l’intelligence collective et qu'elle prendra le meilleur des high et low-tech pour développer des technologies durables, appropriées et appropriables pour le plus grand nombre.
Comment projeter ce futur en entreprise en utilisant à meilleur escient les avantages de chaque technologie, afin de permettre une diminution drastique de notre empreinte énergétique, fossile et sociale ? Comment mettre en œuvre des solutions low-tech (utiles, accessibles et durables) dans nos projets ?