Valorisation et économie circulaire des pales d’éoliennes en fin de vie : défis et nécessité d’une approche collaborative
Résumé
Cette rencontre-conférence a permis de mettre en lumière la complexité du recyclage des pales éoliennes, composants industriels essentiels de la transition énergétique, et les activités de recherche appliquée menés par ENGIE en la matière, via son centre de recherche bruxellois Laborelec.
Steve Nardone (Advanced Materials Lab Manager, ENGIE Laborelec) a commencé par souligner l’importance de la collaboration entreprise-recherche sur ce type de sujet puis, a présenté Laborelec, centre d’expertise et de recherche dans le domaine des technologies de l’énergie électrique (basé à Linkebeek mais aux équipes internationales) qui s’est donné pour mission de soutenir la transition énergétique et d’accélérer le passage au zéro carbone.
Steve Nardone a montré des images de pales éoliennes vouées à être enterrées car difficilement recyclable. Une situation inacceptable dans le cadre de la transition énergétique ! Le problème est cependant que ces pales sont constituées de nombreux matériaux difficilement séparables. Trouver comment valoriser ces matériaux représente bel et bien un véritable défi. D’autant plus que le parc éolien augmente en Europe avec de grosses avancées en offshore et une augmentation de la taille des turbines (corrélée avec un facteur de puissance) et du diamètre des pales, ce qui signifie plus de ressources à aller chercher. Partant actuellement de 37.8 GW, l’ambition d’ENGIE est d’atteindre 50 GW d’énergie renouvelable en 2025 et 80 GW en 2030.
Steve Nardone a ensuite abordé la traçabilité des matériaux. Il est en effet très important de connaître la composition générique des matières pour comprendre leur impact environnemental et la sensibilité de leur chaîne de matière première. L’orateur a présenté l’approche long terme d’ENGIE qui prend en considération les matières premières critiques ; l’opérationnel (augmentation de la durée de vie) ; une analyse, un tri et un prétraitement des déchets ; une analyse des filières de recyclage ; et des recherches (démonstrations) sur la valorisation des déchets.
Des centaines d’études sont publiées chaque année sur la disponibilité des matières premières et rares, et sur les risques d’approvisionnement en matières premières. Pour ENGIE, c’est important d’avoir une vue d’ensemble sur ces données. Un passeport matériaux des risques a ainsi été mis en place. Plus de 50 indicateurs de risques (éthique, environnement, disponibilité de la ressource, dépendance aux mines primaires, politique instable, projection du marché, volatilité des prix...) ont été développés pour cet outil. Steve Nardone a donné un exemple de cas d’application sur un type d’éolienne dans lequel est détaillé l’ensemble des matériaux présents, de la turbine aux pales en passant par le pylône et les fondations (incluant aimants permanents, terres rares, alliages métalliques, béton, bois (balsa), adhésifs, mousses, composites (fibre carbone et fibre de verre)…). La difficulté étant qu’il est très difficile d’obtenir la composition chimique précise de la part des fabricants. L’orateur a ensuite relevé quelques tendances en matière de risques en reliant type de risque et matériaux concernés (par exemple, pour le balsa, il y a un risque lié à la production de la matière car le monopole du marché est détenu par l’Amérique du Sud).
Frederic Monnaie (Cluster Manager Non-Metallics & Senior Expert, ENGIE Laborelec) a ensuite centré son intervention sur le recyclage des pales et les nouvelles possibilités qu’offre l’éco-conception. Qu’est-ce qui peut être fait pour améliorer les solutions de fin de vie pour les pales éoliennes ? Améliorer les technologies de recyclage et travailler sur un nouveau design (prenant en compte le recyclage) pour les futures pales. Une bonne partie d’une éolienne est déjà recyclable. ENGIE se concentre sur les 15% restant, c’est -à-dire principalement les pales. Celles-ci sont une combinaison de nombreux matériaux, ce qui représente un challenge pour le recyclage. De plus, en regardant les passeports matériaux de plusieurs pales, on observe différents modes de fabrication incluant différents matériaux.
Comment recycler les matériaux des anciennes éoliennes ? L’orateur a montré un projet en Allemagne où l’on coupe la pale en différentes sections sur site. Les sections sont ensuite transportées à Laborelec pour être analysées. Chaque couche est détaillée ainsi que la manière dont les couches sont collées ensemble. Ces éléments d’information ne sont pas toujours inclus dans les passeports matériaux. On retrouve par exemple parfois la présence mineure de PVC. Frederic Monnaie a aussi présenté un projet de recherche (en cours) de création de pellet en lien avec la gazéification.
D’autre projets (systèmes développés en parallèles par les principaux fabricants du secteur) concernent les futures pales et notamment de nouvelles résines recyclables, compatibles, et excluant les halogènes. C’est dans ce cadre que ENGIE a participé au projet ZEBRA (Zero wastE Blade ReseArch, 2021-2024*) qui démontre la force de l’éco-conception, entre autres grâce à Elium® la résine liquide thermoplastique reformulée de ARKEMA. ENGIE a également participé au projet de recherche international « IEA Wind Task 45 » qui vise à partager les expériences et identifier les défis sur le recyclage des pales éoliennes en travaillant sur des sujets tels que le changement de législation, les aspects techniques, le cycle de vie ou encore la chaîne de valeur.
Diyar Tokmurzin (Postdoctoral fellow, Universiteit Gent, Department of Materials, Textiles and Chemical Process Engineering) a enfin présenté les défis technologiques et les opportunités présentes liées à l’intégration des procédés de gazéification et plasma pour le recyclage chimique de matériaux composites issus de pales d’éoliennes, notamment dans le cadre du projet North-C- Blade.
Diyar Tokmurzin a expliqué pourquoi il fallait intégrer la pyrolyse et la gazéification dans le processus plasma. Il a ensuite montré les étapes de préparation des matériaux pour obtenir de la poudre avant de présenter les différents types de processus possibles et les composants obtenus en fonction. Après avoir précisé ses questions de recherche, l’orateur a présenté un schéma du processus de pyrolyse/gazéification et les expériences qu’il a menées à l’Université de Gand. Diyar Tokmurzin a terminé par les opportunités ouvertes par cette recherche.
En conclusion, Steve Nardone a insisté sur l’importance, comme dans le cadre de cette rencontre-conférence, des synergies et complémentarités entre recherche académique et développements industriels, tous les piliers d’expertise étant importants pour résoudre ces défis.
*résultats bientôt publiés
Annonce
Composants industriels essentiels de la transition énergétique, les pales d’éoliennes sont aussi des composants d’une complexité technologique largement insoupçonnée du grand public. Gérer leur conception, production, exploitation et fin de vie dans un contexte d’économie circulaire constitue des défis pour la science des matériaux, le génie des procédés et les sciences de l’environnement.
ENGIE, exploitant mondial majeur d’éolien, intègre ces défis dans ses activités de recherche appliquée via son centre de recherche bruxellois Laborelec.
Lors de cette conférence, Steve Nardone (ENGIE) illustrera par quelques chiffres-clés l’ampleur du défi et les réalités techniques, avant de montrer l’importance de la traçabilité des matériaux, du bill of materials et du concept du Material Risk Passport pour appréhender la criticité de la disponibilité des matières premières.
Frederic Monnaie (ENGIE) démontrera, ensuite, la force de l’éco-conception à travers le projet ZEBRA (Zero wastE Blade ReseArch), qui ouvre la voie au recyclage industriel des futures pales.
Enfin, Diyar Tokmurzin (UGent) abordera les défis technologiques et les opportunités présentes liées à l’intégration des procédés de gasification et plasma pour le recyclage chimique de matériaux composites issus de pales d’éoliennes, notamment dans le cadre du projet North-C-Blade.
Cette rencontre-conférence rappellera également l’importance de travailler en complémentarité (Universités, Centres de Recherche, Centres de recherche industriels en entreprise) et avec le soutien des pouvoirs publics.