
Valorisation des eaux usées traitées
Résumé
Cette rencontre-conférence traitait de la valorisation des eaux usées traitées et des solutions innovantes qui permettent de réutiliser des eaux « usées ».
Robert Bech, Chef de Projet (Cebedeau), nous a d’abord présenté la méthodologie « WaterLoop Diagnostic » que le Cebedeau a mis en place pour les entreprises qui se questionnent sur la revalorisation de leurs eaux. Cette méthodologie, qui se veut simple et compréhensible par tous (sans connaissance approfondie en gestion de l’eau), comporte 3 étapes :
- L’identification de la maturité du projet (présence ou non de compteurs dans l’entreprise par exemple) via un questionnaire ;
- La réalisation de la matrice des flux grâce à un workshop avec des personnes-clés
- L’identification des opportunités de recyclage pour définir si cela vaut la peine ou non de mettre une démarche de recyclage des eaux en place dans l’entreprise (via un workshop également).
Robert Bech a présenté leur matrice, qui utilise des thèmes génériques comme les différentes sources d’eau (liées à des qualités différentes), 3 grandes catégories de traitements (associés aussi à une qualité), les usages, les destinations des eaux (station d’épuration, rivière, etc.) … Ce diagramme permet surtout de se poser les bonnes questions. Le but de cette méthode est de pouvoir détecter rapidement (en 2 demi-journées) des opportunités de recyclage, une étude plus poussée pouvant être réalisée après le diagnostic.
L’orateur a terminé en pointant les difficultés rencontrées :
- Les données quantitatives manquantes (il n’y a souvent pas de compteurs dans l’entreprise pour effectuer des mesures précises) ;
- Les données qualitatives absentes ;
- Le retour sur investissement.
Alexandre Paulus, Director Of Engineering (Eloy Water), a ensuite fait un état des lieux de la revalorisation des eaux usées et présenté les solutions qu’Eloy Water propose. L’entreprise Eloy est active dans les stations collectives depuis 1971. Eloy Water est surtout connu pour la fabrication de cuves en béton (récupération d’eau de pluie) et a 2 types de clients : domestiques (produits en grande série) et industriels (produits sur-mesure). La récupération d’eau de pluie est intéressante pour la réutilisation car on a déjà deux réseaux d’eau mis en place.
Notons pour l’état des lieux :
- Le cadre réglementaire qui évolue ;
- Une demande croissante des promoteurs et usagers pour se mettre en ordre par rapport à la réglementation mais aussi pour aller plus loin (qu’est-ce que je peux faire de cette eau récupérée/traitée ?) ;
L’influence du changement climatique qui a pour conséquence l’augmentation de la taille des citernes d’eau de pluie (or la qualité de l’eau se dégrade dans le cas de stagnation prolongée) et des périodes de sécheresses de plus en plus longues (existe aussi en Belgique).
Plusieurs leviers sont à considérer :
- Une législation contraignante dans les zones de stress hydrique, imposant aux nouveaux bâtiments de réduire leur empreinte hydrique ; - L’obtention de certification vertes, le respect de normes de construction élevées (imposées ou souhaitées par les investisseurs) ou des objectifs de développements durables « corporate » ;
- Le stress hydrique ;
- Un retour sur investissement (ce qui dépend du prix de l’eau).
C’est un marché bien plus mature dans le monde industriel et en dehors de notre frontière régionale (zones avec stress hydrique). Alexandre Paulus a également évoqué les prérequis à la valorisation : l’existence d’un double réseau de distribution dans le bâtiment, avec discontinuité physique. Il a comparé les avantages et les inconvénients de 2 types d’eaux usées : eaux grises (sur lesquelles se concentre surtout la législation) et eaux mixtes.
L’orateur a ensuite présenté les solutions proposées par Eloy, une approche adaptée à la parcelle et en fonction des besoins en termes de volume, qualité, etc. Il a illustré son approche en présentant deux cas : une maison traditionnelle avec un système de récupération d’eau de pluie et une maison « re-use ».
Eloy dispose d’une solution standardisée pour les eaux grises qui s’installe directement dans le bâtiment, et une solution pour les eaux mixtes est en cours de développement. Cette dernière remplacerait la micro-station par un système intelligent qui fonctionne à la demande.
Il a souligné pour conclure que les industriels se posent cette question de la réutilisation et qu’il y a une vraie demande. De plus, des solutions existent, pour le domestique et pour l’industriel. Et même si leur coût est supérieur, cela reste intéressant pour les bâtiments neufs.
Aymar de Lichtervelde, Co-Fondateur (Revalio), nous a ensuite fait voyager en Antarctique, à travers un exemple poussé de réutilisation domestique. Il a d’abord présenté Revalio, qui accompagne les entreprises dans leurs projets de circularité et de gestion durable de l’eau (audit hydrique, ingénierie de détail, mise en œuvre de solutions). Leur approche se compose de 4 étapes : mesurer, réduire, traiter et réutiliser.
Il a ensuite montré la Station scientifique Princesse Elisabeth en Antarctique qui se voulait, lors de sa construction, exemplaire et zéro émissions directes. Pour y arriver, ils ont travaillé sur l’isolation, la récupération de la chaleur fatale (des batteries, du chauffage de l’eau ...), plusieurs sources d’énergie renouvelable … Un contrôle en temps réel des besoins en énergie (smart micro-grid) et une approche par priorité sont également importants. Aymar de Lichtervelde pense qu’il va falloir de plus en plus avoir une réflexion parallèle sur l’eau et l’énergie.
Concernant l’eau, l’orateur nous a présenté le cycle de l’eau produit dans la station (tous les services concernés doivent être réunis au même endroit). L’eau est produite à partir de la neige (chauffée). L’eau obtenue est très pure donc il faut la minéraliser et rajouter un peu de chlore contre les bactéries. Puis, l’eau est divisée en 2 circuits : eau potable et eau domestique. Après utilisation, les eaux mixtes (grises et noires) sont traitées. On obtient de l’eau purifiée qui est réutilisée et un résidu sec (boue sèche). Cela fonctionne aussi parce qu’ils ont réduit les besoins en eau (55 litre d’eau par jour par personne) en incitant les personnes à changer leurs habitudes.
Aymar de Lichtervelde a ensuite montré un schéma et des photos de l’installation. Tout le challenge était d’amener une solution qui fonctionne dans un environnement aussi particulier. Les technologies employées ne sont pas nouvelles mais il a fallu les combiner ensemble et tout monitorer (afin de pouvoir analyser à distance en cas de problème). Leur taux de « reuse » est de 44%. Les eaux purifiées sont, par exemple, utilisées pour la douche donc il faut quand même de l’eau assez transparente et qui ne sent pas. La gestion des boues est importante car cela permet de ne pas rapatrier de déchets. L’orateur a présenté un graphique avec l’évolution de la technologie de traitement mise en place dans la Station. Au fil de cette évolution, le nombre de kilowatt par m3 diminue, et on voit que la combinaison « traitement et réutilisation » diminue la facture d’énergie.
Aymar de Lichtervelde a rappelé en conclusion pourquoi traiter et réutiliser l’eau (protection de l’environnement, réduction des déchets, économie d’énergie …) et leurs challenges sur la Station : complexité technique, températures extrêmes et saisonnalité, intégration des énergies renouvelables, compétence technique qui devient une ressource.
Enfin, cela montre que les technologies sont disponibles et que le traitement et la réutilisation des eaux est une stratégie efficace.
Annonce
Face à l'enjeu de la raréfaction de la ressource eau, le partage de celle-ci entre tous les usages (domestique, agricole, industriel...) nécessite des solutions innovantes, adaptées au besoin de chacun. La valorisation des eaux usées traitées apporte une des réponses à cette problématique. S'inscrivant dans une démarche d'économie circulaire en réutilisant ces eaux pour des usages comme l'irrigation agricole, le refroidissement industriel ou la recharge des nappes phréatiques, par exemples, cette approche permet notamment de préserver les ressources d’eau de qualité pour des besoins essentiels comme la consommation humaine.
Aujourd’hui, la valorisation des eaux usées traitées n’en est encore qu'à ses prémisses et implique de se pencher sur plusieurs questions : Comment faire d’un déchet "eau" une ressource ? Quelles sont les principales contraintes et opportunités liées à cette valorisation ? Quelles sont les solutions techniques mises en œuvre ? Quelles sont les leçons à tirer pour la réutilisation durable de l’eau dans des contextes plus larges ?
Lors de cette rencontre-conférence, trois acteurs tenteront de répondre à ces questions à partir de différents projets d’ores et déjà mis en œuvre. Parmi ces projets, celui de la station de recherche belge Princess Elisabeth en Antarctique, qui a récemment adopté un système innovant (biologique) de traitement et de réutilisation des eaux grises et noires pour préserver l’environnement tout en répondant à une hausse des besoins en eau.
Objectifs de Développement Durable
