Orateur(s)
Valérie Defaweux Professeure (Faculté de Médecine, Pédagogie des Sciences Morphologiques, ULiège)
Michel Vergnion Anesthésiste-Réanimateur Urgentiste (Hôpital de la Citadelle)

Réalité virtuelle et soins de santé, de la formation à la pratique

Dans le cadre de la semaine de l'Innovation de l'Hôpital de la Citadelle
    Résumé

    Le docteur Michel Vergnion (Hôpital de la Citadelle) a commencé son intervention en rappelant qu’il existe différentes échelles d’apprentissage, ce dernier pouvant être actif ou passif. La meilleure manière de retenir l’information est de vivre l’expérience, et la réalité virtuelle s’inscrit dans cet apprentissage en environnement immersif. Celle-ci requiert la collaboration de plusieurs experts métiers (designers, développeurs, etc.) pour coordonner la mise en place d’une solution pour les soins de santé. Michel Vergnion a ensuite rappelé ce qui se trouve derrière les termes réalité virtuelle, réalité augmentée et réalité mixte (l’idéal). La réalité augmentée, c’est lorsqu’un objet virtuel apparait dans le monde réel, tandis que la réalité virtuelle permet de s’immerger complètement dans un monde virtuel.

    L’orateur a présenté différents casques et lunettes utilisés pour la réalité augmentée et pour la réalité virtuelle. Actuellement, les innovations se développent plutôt en matière de réalité virtuelle (RV). Avant d’évoquer les opportunités qu’apportent la RV pour la formation des soins de santé, Michel Vergnion a soulevé quelques points d’attention : la sécurité, les problèmes d’équilibre, le cyber malaise, la fatigue (si usage intensif), un usage déconseillé aux jeunes enfants et limité pour les personnes âgées. Il est notamment important de délimiter un espace de sécurité où circuler sans se blesser. Pour pallier aux problèmes de malaises, une solution qui a été trouvée est le déplacement virtuel du participant via un laser, ce qui réduit l’anachronisme pour l’oreille interne.

    Michel Vergnion a ensuite présenté différents cas d’application de la RV dans les soins de santé :

    • la relaxation et la sédation ;
    • le traitement des phobies, par exemple, des araignées, du vol en avion, du vide, mais aussi, plus spécifique à l’hôpital de la Citadelle, la phobie de l’IRM ;
    • la réhabilitation des patients neuro-lésés, pour les personnes en post AVC pour lesquels la RV joue un rôle thérapeutique en permettant la revalidation cognitive et motrice grâce au jeu ;
    • la formation du personnel soignant, en permettant à celui-ci de développer ses soft skills.

    Le docteur a détaillé ce dernier point à travers deux projets développés à l’Hôpital de la Citadelle : le traumacenter et la chambre des erreurs. Dans le premier cas, cet outil de simulation en RV permet au participant de jouer le rôle de Team Leader dans une équipe virtuelle lors du déroulement classique de la prise en charge d’un patient traumatisé. Les avantages de la solution en RV sont : le clonage de la salle de déchocage et de son matériel (ce qui permet de ne pas mobiliser la salle de déchocage réelle), une équipe de soignants et de patients (5 types) sous forme d’avatars qui sont plus réalistes et moins chers que des mannequins, la possibilité de visualiser un ensemble de paramètres cliniques (monitoring, …). Le tout est commandé par une application qui permet de choisir entre différents scénarios. Pour répondre aux questions du participant, notamment lors du briefing et de la présentation de l’équipe virtuelle, le facilitateur présent dans la même pièce que le participant utilise un modificateur de voix. Michel Vergnion a montré quelques images en action et souligné que, selon lui, l’apport le plus important de la RV est le réalisme. Ce premier projet est déjà en cours et presque tout les trauma leaders sont déjà passés par cette RV, avec des retours positifs.

    L’hôpital de la Citadelle s’est également lancé dans un projet de chambre des erreurs virtuelles. Elle était déjà pionnière dans la mise en place de cette chambre dans le monde réel. Cet outil permet au participant de repérer des erreurs dans un environnement donné pour ensuite faire un débriefing et rappeler les mesures de sécurité. Après un travail de modélisation, la RV permet de changer très facilement les erreurs et leur nombre, et de s’immerger dans 4 types d’environnement : une chambre d’hospitalisation généraliste, une de gériatrie, une de pédiatrie et la salle de déchocage des urgences. Plusieurs types d’erreurs sont disponibles : sur les produits de santé, la bientraitance, l’hygiène, la sécurité, l’identitovigilance. Cet outil est un cours de développement et une vidéo de démonstration a été présentée.

    La professeur Valérie Defaweux a débuté sa présentation en rappelant le contexte dans lequel elle utilise ses outils de formation (avec environ 800 jeunes étudiants par an, principalement en 1ère et 2ème année) et pourquoi elle a intégré ceux-ci dans ses stratégies d’apprentissage (pour répondre à la réalité de terrain suite aux réformes médicales qui ont augmenté le nombre d’étudiants, pour permettre aux étudiants de mieux appréhender la matière et pour pallier à la sollicitation accrue du don de corps pour la science).

    Valérie Defaweux a ensuite présenté et illustré différents outils pédagogiques. En premier lieu, le microscope virtuel Cytomine. Lors des séances de travaux pratiques, les étudiants préparent une lame, scannée et visualisée grâce au microscope virtuel (interface web), à l’avance et partagent leurs observations au groupe. Ensuite, le MOOC (Massive Open Online Courses) d’histologie qui a été développé en 2016 (ce qui a permis d’avoir une longueur d’avance pendant la crise covid) et qui rassemble chaque année 8 000 étudiants, de l’Université de Liège, mais pas que (d’autres universités, françaises notamment, utilisent désormais ce MOOC dans leur programme). L’utilisation de cet outil numérique a permis une scénarisation pédagogique innovante, avec un côté jeu de piste pour explorer les différentes lames que l’étudiant observe à son rythme. Une opportunité du numérique est de voir seconde par seconde ce que l’étudiant observe sur la coupe, ce qui permet d’observer son comportement et de fournir des données d’apprentissage. Associé aux algorithmes d’IA et au machine learning, cela permet d’identifier les comportements qui amènent à plus de réussite à l’examen et même de prédire la note de l’étudiant avant son examen.

    Le troisième outil présenté est un outil 3D en réalité augmentée réalisé sur mesure, ce qui permet de respecter certains critères : utilisation à distance, outil évolutif, exactitude scientifique, intégration de l’anatomie et de l’histologie, intégration à différentes scénarisations pédagogiques. L’application de réalité augmentée (ARanatomy) peut être adaptée à un téléphone portable et Valérie Defaweux nous en a fait la démonstration en direct. La vue histologique en RA permet différents niveaux d’observation microscopique, jusqu’à un niveau ultra structural (microscopie à balayage) et est accompagnée d’un parcours pédagogique.

    Le premier test de faisabilité technique (avec pour résultats : 28 % des utilisateurs neutres et 31% négatifs par rapport à l’utilisation de cette technologie) a révélé qu’il fallait accompagner les jeunes lors de la prise en main de l’outil (et qu’utiliser la technologie n’est pas inné). D’autres tests ont démontré que la prise en main à l’aide d’une vidéo tutoriel fonctionnait le mieux.

    Valérie Defaweux a également évoqué brièvement la RV, bien qu’elle ne s’y intéresse que depuis récemment (par exemple, Primal Pictures). Elle a insisté sur 2 concepts majeurs :

    • la cohérence pédago-numérique : les objectifs et cibles d’apprentissage, ainsi que les méthodes d’évaluation sont définies en fonction des modalités d’apprentissage ;
    • le modèle SAMR pour une intégration optimale du numérique : cette matrice d’intégration de la technologie montre qu’une tâche peut être substituée, améliorée, modifiée ou redéfinie grâce à la technologie. Dans ce dernier cas de figure, la technologie permet la création de nouvelles tâches auparavant inconcevables (sans l’apport de la technologie). Avec Cytomine, par exemple, on atteint ces niveaux ultimes de redéfinition en améliorant la capacité à voir dans l’espace des étudiants, tout en atteignant les objectifs pédagogiques fixés.


    En conclusion, pour Valérie Defaweux, le numérique est à utiliser de façon raisonnée et pertinente, c’est-à-dire, orienté vers les objectifs pédagogiques, centré sur l’apprenant et intégré efficacement dans l’enseignement. La crise Covid a permis un énorme bond dans l’usage et le développement de des technologies. Cependant, si la microscopie virtuelle est une technologie mature (avec Cytomine comme success story de l’ULiège, qui est devenue une société à part entière), les technologies de RA et RV sont encore émergeantes, dispendieuses, avec un manque de données empiriques sur leurs usages. Elles donnent tout de même de nouvelles perspectives, par exemple un projet sur l’adhésion thérapeutique des patients.

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    La réalité virtuelle apparait aujourd’hui en tant qu'outil d'apprentissage immersif novateur dans le domaine des soins de santé.
    Après quelques propos généraux sur la technologie, celle-ci sera abordée par le Docteur Michel Vergnion, anesthésiste-réanimateur urgentiste, à travers 2 exemples déployés au sein de l’hôpital de la Citadelle. L’un relatif au développement continu des compétences au niveau du « traumacenter », l’autre pour sensibiliser à la sécurité du patient à travers l’utilisation d'une chambre des erreurs « virtuelle ».

    Ensuite, le Professeur Valérie Defaweux* (ULiège) partagera également son expertise quant aux impacts positifs de la technologie, à partir de son expérience dans l’enseignement de l'anatomie et de l'histologie, en mettant notamment en exergue les conditions favorables qui justifient son usage.

    Cette conférence sera l’occasion de débattre de la technologie RV au service des apprentissages du personnel soignant et ce, au travers d'exemples concrets. La réalité virtuelle ouvre en effet à un large champs d’opportunités qui sera évoqué.

    * Le professeur Defaweux interviendra à distance, en vidéoconférence.


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