Orateur(s)
Mélanie Horvath Assistante (Faculté d'Architecture, AAP, ULiège)
Geoffrey Houbart Sustainability & Public Affairs Director (Knauf Plâtre)
Matthieu Hespel Chargé d'Affaires (Dufour)

Les déchets de construction comme nouvelles ressources pour le bâtiment

    Résumé

    Le projet GreenWin RECOB2 (REcycled COntent Building Board) vise à transformer des déchets de construction en nouvelles ressources pour la création d'un matériau valorisable au niveau industriel. Ce projet de Recherche et Développement s'inscrit dans le contexte critique du dépassement de sept des neuf limites planétaires et du constat avéré que le secteur de la construction est responsable d’une pollution importante (production de déchets, émission de gaz à effets de serre, épuisement des ressources naturelles). Aussi, face à ces enjeux, l'Union européenne a mis en place un plan d'action pour l'économie circulaire qui encourage l'utilisation de matériaux biosourcés et la valorisation des déchets.

    Mélanie Horvath, Assistante à la Faculté d'Architecture de l’ULiège, a souligné la nécessité de passer d'une économie linéaire ou de simple recyclage à une économie circulaire, où la conception des bâtiments doit intégrer, dès le départ, la récupération et la revalorisation pour éviter la production de déchets. Un enjeu majeur réside dans le fait que la durée de vie technique des bâtiments excède souvent leur durée de vie fonctionnelle et économique, nécessitant des modifications rapides. Elle a insisté sur le besoin de privilégier des modes de construction plus adaptables et réversibles, en favorisant le désassemblage des différentes couches du bâtiment (structure, façade, techniques, etc.) qui ont des durées de vie fonctionnelles distinctes. L'approche circulaire idéale passe par la prévention en amont, la réutilisation en l'état, puis le recyclage, et enfin la valorisation énergétique, en évitant l'étape d'élimination. Le recyclage seul permet déjà d'éliminer l'étape d'extraction de la matière première et de limiter la génération de déchets.

    Le projet RECOB2 se concrétise par le développement d'un panneau de dalle de chape sèche utilisant près de 95 % de matières recyclées, appelées matières premières secondaires. Ces matières comprennent des déchets de papiers en fin de chaîne, du sable recyclé issu du concassage de béton et de déchets de construction (actuellement peu valorisé dans les nouveaux matériaux), et un liant hydraulique également à base de matière secondaire. Le processus de fabrication du matériau est peu énergivore, car il n'implique pas de cuisson, mais seulement une petite cure de séchage. L'objectif est de développer un matériau avec une longue durée de vie et une faible empreinte énergétique globale, conçu pour être réversible et, en dernier recours, recyclable dans sa propre chaîne de production.

    La chercheuse a ensuite présenté une analyse de cycle de vie (ACV), réalisée par le laboratoire PEPS de l'ULiège, comparant le panneau RECOB à des produits existants sur le marché, comme le panneau Knauf BRIO et un panneau fibre-ciment. L'ACV, limitée pour l'instant aux étapes allant du berceau à la porte de l'usine, a montré que le produit développé était déjà nettement meilleur par rapport aux autres sur la majorité des catégories d'impact environnemental. 

    L'étape suivante, cruciale pour la circularité complète, est le développement d'applications circulaires. Cela implique de réfléchir à la réversibilité à trois niveaux : l'assemblage du panneau sur la structure du plancher (qui est simple, car il s'agit d'une pose libre), l'assemblage des panneaux entre eux (27 solutions ont été étudiées), et l'assemblage des panneaux avec leur finition (nécessitant des finitions circulaires compatibles pour permettre un démontage facile). En collaboration avec Knauf, le projet envisage d'abord de commercialiser une solution collée-vissée, moins réversible mais compatible avec les standards actuels (chauffage sol, finitions existantes), qui sera recyclable. À terme, l'objectif est de développer le produit entièrement circulaire en testant des solutions d'assemblage réversible, notamment par vissage ou par Velcro.

    Intervenant pour présenter la perspective du recycleur, Matthieu Hespel, Chargé d'Affaires au sein de Cogétrina logistique, Groupe Dufour, a introduit l’entreprise familiale active depuis 1920 dans la collecte, le traitement des déchets, la logistique et le levage. L'approche intégrée de Dufour englobe la collecte, le tri, le recyclage et la revalorisation, notamment à travers quatre sites principaux, dont l'unité CSL de tri des déchets industriels et l'usine de traitement de plâtre REPLIC. Il a souligné la philosophie du groupe, qui est de valoriser chaque flux, même les plus complexes, et de fournir des solutions locales pour limiter les coûts de transport.

    La gestion des déchets en Belgique est confrontée à un contexte réglementaire strict et à une complexification administrative. Matthieu Hespel a mis en lumière les difficultés rencontrées sur le marché du recyclage : les centres de traitement final exigent une qualité et une pureté croissantes des produits fournis, tandis que les flux de déchets deviennent plus complexes. Côté clients, le manque de place pour le tri sur les chantiers et le manque de formation des opérateurs constituent des freins majeurs. L'absence d'une volonté collective de trier correctement mène à la contamination des flux. De plus, le coût du recyclage reste une barrière, car les entreprises ne veulent pas payer plus cher pour le traitement de leurs déchets.

    La participation de Dufour au projet RECOB2 est essentielle pour valoriser des flux difficiles à traiter. Matthieu Hespel a mentionné deux exemples concrets de matières premières secondaires fournies : le papier carton broyé contaminé par du gypse, issu de la séparation du papier des plaques de plâtre à l'usine REPLIC (ce papier est actuellement enfoui), et le sable concassé provenant du traitement des déchets de construction à l'usine pilote DUTY, qui pourrait être utilisé pour d'autres usages que les sous-fondations de route. Le rôle de Dufour est d'apporter son expertise sur la fin de vie des matériaux, la collecte et le recyclage, afin d'optimiser le démontage et la transformation des produits en fin de cycle en matière première secondaire utile.

    Geoffrey Houbart, Directeur Sustainability & Public Affairs chez Knauf Plâtre a ensuite expliqué qu’une réflexion poussée sur la durabilité était mise en place depuis 2015, structurant une équipe complète. Les ambitions de l’entreprise pour 2032 s'articulent autour de plusieurs piliers (employés, finance, environnement) et visent notamment 100 % de produits et de packaging circulaires. L'entreprise s'est aussi fixée des objectifs stricts pour réduire ses émissions de CO2 et atteindre le zéro carbone en 2045, cinq ans avant le plan européen.

    Dans le cadre du projet RECOB2, Geoffrey Houbart a expliqué que Knauf s'inscrit dans une démarche de redesign. Le choix s'est porté sur le panneau de chape sèche Knauf BRIO, actuellement produit en Allemagne. L'idée est de rapatrier la technologie en Belgique et d'améliorer les performances du produit existant, en visant spécifiquement les marchés en croissance de la rénovation et des ossatures bois. Knauf a analysé les exigences du marché pour s'assurer que le nouveau matériau soit accepté par les poseurs. L'intégration d'un groupe d'utilisateurs a d’ailleurs permis de valider la direction du projet. 

    Le matériau RECOB est un panneau technique offrant des propriétés thermiques et acoustiques très performantes, une densité élevée pour l'inertie, et la possibilité d'être fraisé pour l'intégration de systèmes de chauffage au sol. Il s'agit d'un excellent exemple d’upscaling, notamment par la réintégration du papier recyclé issu des propres plaques de plâtre de Knauf. L'ambition finale est de créer en Wallonie une nouvelle usine pour la ligne de production de ce produit

    Geoffrey Houbart a conclu en décrivant la chaîne de valeur circulaire du projet, dans laquelle les chercheurs (ULiège) développent les recettes, Knauf construit l'usine et utilise les matières premières secondaires fournies par Dufour, et le produit est distribué via le réseau Knauf. Cela permettra de boucler la boucle jusqu'à la collecte des déchets de chantier par Dufour en fin de vie. Le nouveau produit se distinguera par son coût correct, son faible impact carbone, la disponibilité locale de ses matières premières et ses performances associées, répondant ainsi à un vrai besoin du marché.

    Ce compte-rendu a été rédigé avec l’aide de l’IA.
     

    On le sait, le secteur du bâtiment doit s’inscrire dans une transition éco-responsable et circulaire en encourageant l’utilisation de nouvelles technologies constructives.

    Compte tenu des projections en matière de consommation de ressources et de production de déchets d’ici 2050, il existe une réelle opportunité de développer et d’utiliser ces déchets comme « nouvelles » ressources pour le bâtiment.

    C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet Greenwin - RECOB² avec pour objectif de développer un nouveau matériau circulaire, sous forme de panneau, pour une application de chape sèche, qui soit techniquement performant, à faible impact environnemental et à coût limité. Le matériau est produit à partir de matières secondaires issus du recyclage des déchets de construction. Mis en œuvre de manière réversible, il aura le potentiel d’être d’abord réemployé puis recyclé dans le processus de fabrication d’un nouveau panneau de chape sèche.

    Cette rencontre-conférence illustrera comment une approche holistique d’éco-conception allant du déchet au matériau fini et du matériau fini au déchet, favorise le développement de solutions constructives innovantes pour nos territoires et l’environnement au sens large. Elle sera également l'occasion d'aborder l'importance des collaborations interdisciplinaires pour promouvoir l'utilisation généralisée de ces matériaux prometteurs pour l'avenir, encore largement sous-explorés malgré leurs multiples avantages.