Orateur(s)
Fanny Lambert Team Leader - Extractive Metallurgy (Faculté des Sciences Appliquées, UEE, ULiège)
Michèle Batutiako Ingénieure de Recherches en Recyclage des Ressources (Faculté des Sciences Appliquées, UEE, ULiège)
Dr. Anna Vanderbruggen Chercheuse sur le Recyclage des Batteries (Institut Helmholtz à Freiberg, Allemagne)

Le parcours d’une batterie lithium-ion en fin de vie, les défis du recyclage

Résumé

Dans le contexte d’une croissance constante des appareils électroniques portables et de la croissance attendue du marché des véhicules électriques, la demande de batteries lithium-ion (BLIs) est en plein essor.
La production de matières premières par une combinaison d'extraction et de recyclage est essentielle et inévitable pour répondre à la demande à venir de BLIs. Par conséquent, la commission européenne a mis à jour les régulations avec une efficacité de récupération plus élevée, 70% en poids d'ici 2030 au lieu de 50% actuellement.

Ainsi, LIEGE CREATIVE réunissait vendredi dernier, 3 chercheuses hautement qualifiées pour faire part des avancées en matière de conception et d’optimisation des procédés de recyclage de batteries lithium-ion. Un thème au cœur des préoccupations du monde scientifique et de l’entreprise.

Fanny Lambert (Faculté des Sciences Appliquées, ULiège) a démarré les exposés en expliquant le fonctionnement des BLIs et les constituants qui les composent. Évolution de la composition de la matière active, mine urbaine, cadre réglementaire actuel et à venir ont été abordés, avant de rentrer dans l’aperçu complet du chemin de la matière, de la batterie hors d’usage jusqu’à la collecte et la réutilisation des matériaux.

Les cinq étapes pour le démantèlement et la mise en sécurité d’une BLI quand elle arrive en fin de vie sont les suivantes :

  1. La dépollution (séparation des piles et batteries) ;
  2. La décharge du pack batterie ;
  3. Le démantèlement du pack batterie (séparation des constituants) ;
  4. Le diagnostic en vue d’une réutilisation (ou réaffectation) ;
  5. La décharge finale du module/cellule (préparation pour le procédé de recyclage).

Elle a ensuite présenté un état des lieux des procédés existants (le flux sera différent selon l’origine de la batterie - DEEEs ou VHUs) et abordé le prétraitement des BLIs (de la cellule à la Black Mass) selon deux grande voies ; par traitement thermique ou par déchiquetage sous atmosphère ouverte.

Enfin, elle a partagé quelques défis identifiés : les aspects santé/sécurité, la variabilité des designs de packs qui compliquent le démantèlement, l’hétérogénéité du flux de cellules, la valeur intrinsèque (cas des LFP – Lithium Fer Phosphate).

Anna Vanderbruggen (Chercheuse sur le recyclage des batteries à l’Institut Helmholtz à Freiberg, Allemagne) a ensuite exposé ses travaux de recherche qui ont permis le développement d'une méthode révolutionnaire d'extraction du graphite des batteries lithium-ion, rendant possible un recyclage de ces matières de manière plus efficace.

La plupart des technologies de pointe en matière de recyclage pour les BLIs se concentrent sur la récupération des composants à haute valeur économique, tels que le cobalt, le nickel et le cuivre. La fraction fine, issue du prétraitement mécanique, contenant les oxydes de lithium métal et les particules de graphite, dite "Black Mass", est généralement utilisée comme point de départ pour la récupération des métaux par voie métallurgique.
En effet, dans l'industrie, cette Black Mass n’est quant à elle généralement pas valorisée davantage et est introduite directement dans des procédés pyro- et/ou hydrométallurgiques établis ou nouvellement développés pour extraire les métaux de valeur, et ce, au détriment du graphite qui n'est pas récupéré et représente jusqu´à 25% en poids de la batterie.

La méthode développée par Anna Vanderbruggen, la première du genre, améliore la valorisation de la « Black Mass » par flottation.
Elle sépare la poudre fine des BLIs broyées afin d'obtenir deux produits de valeur au lieu d'un seul. Ce procédé permet le recyclage efficace et hautement sélectif du graphite et des métaux des BLIs usagées.

Ce développement pourrait mener à une chaîne d'approvisionnement en batteries véritablement circulaire et réduire l'empreinte environnementale de la production de batteries, ainsi que la dépendance à l'égard des importations de matières premières provenant de l'extérieur de l'UE.

Michèle Batutiako (Faculté des Sciences Appliquées, ULiège) a quant à elle présenté les étapes à réaliser pour convertir la Black Mass en matières premières conformes à la fabrication de nouvelles BLIs.

Après avoir redéfini la Black Mass, elle a détaillé les trois stratégies principales de conversion de cette dernière : la voie directe (la voie idéale), la voie pyrométallurgique (la voie flexible) et la voie hydrométallurgique (la voie raffinée).

Elle a ensuite expliqué, quant au choix à effectuer, que les voies Pyro et Hydro sont complémentaires et non concurrentes. Elle a mis en exergue les pour et contre de chaque voie, et précisé qu’il y avait de nombreux paramètres à prendre en compte.

Le recyclage des BLIs en Europe est en constante évolution et les défis sont nombreux :

  • La législation qui devrait être suffisamment ambitieuse et non contournable ;
  • La collecte ;
  • Les aspects sécurité, santé et environnement (avant, pendant, après les procédés) ;
  • La complexité de la matière tant par la quantité d’éléments présents que par leurs associations très variées ;
  • La variabilité des flux entrants en opposition à la quantité constante requise en sortie ;
  • La caractérisation ;
  • La différence entre les impuretés de recyclage et les impuretés de l’extraction primaire.

Aussi, il s’agit bien ici de recycler et non de downcycler !

Quelques pistes de solution en amont ont ensuite été évoquées : la conception de « recyclables », la création de labels et l’instauration d’une traçabilité, la concertation et des incitations entre les acteurs concernés.

Enfin, le rôle de la Recherche a été abordé, en regard des défis précités. Il consiste à développer des procédés flexibles sûrs et des méthodes de caractérisation approfondie respectueux de la santé et de l’environnement, à acquérir une meilleure compréhension de la matière et des phénomènes physico-chimiques liés à la métallurgie extractive des BLIs, à améliorer l’efficience des procédés et enfin à sensibiliser.

Michèle Batutiako a conclu la rencontre en faisant référence au projet CISTEMEEC qui vise, via ses axes « Mobilité électrique – BLI », à créer un écosystème wallon de réutilisation et de recyclage de BLIs.

Plus d’infos sur le projet CISTEMEEC mené en collaboration avec le GREENMAT, PEPs (Products, Environment, and Processes) et Comet Traitements S.A.

Retrouvez ci-dessous les présentations des oratrices :