Orateur(s)
Anne-Claude Romain Professeure (Faculté des Sciences, Sphères, ULiège)
Michel Degaillier Conseiller de la Cellule Qualité de l'air Intérieur (DG Environnement, SPF Santé)
Patrick De Visscher Energy & Innovation Manager (VINCI Facilities Belgium)

La qualité de l'air intérieur, un enjeu de santé et de conception pour le secteur de la construction

    Résumé

    Anne-Claude Romain, Professeure à la Faculté des Sciences, responsable du Laboratoire SAM, ULiège, a démarré les échanges en posant quelques constats quant à l’impact avéré de l’intérieur du bâtiment sur le confort et la santé des occupants.
    Augmentation du syndrome des bâtiments malsains et des interventions des « Ambulances vertes », teneur en substances volatiles à l’intérieur supérieure à l’extérieur, charge de comorbidité liée à la qualité de l’air de 35%...

    Le premier état des lieux de la recherche dans le domaine de la qualité de l’air intérieur, en Europe, date de 2008. Cela est assez récent comparé à l’intérêt porté, depuis longtemps sur la qualité de l’air ambiant. Différentes études démontrant les impacts sanitaires de la qualité de l’air intérieur sur la santé ont ensuite été abordées, avec les symptômes observés.

    Le lien entre l’air intérieur et les préoccupations au sein des bâtiments a ensuite été fait.
    La performance énergétique (PEB), qui guide la conception des bâtiments en termes de réduction du coût énergétique et de la réduction des émissions de CO2 n’a pas que des avantages en termes de qualité de l’air intérieur car elle entraine, notamment, une augmentation du confinement (meilleure isolation thermique, diminution de l’aération et contrôle de celle-ci qui passe de « naturelle » à mécanique).
    Anne-Claude Romain a donc insisté sur le fait qu’un bâtiment certifié PEB n’est pas synonyme d’un bâtiment sain et que cette certification ne prend pas en compte l’impact sanitaire du bâtiment. Et de citer d’autre sortes de performance environnementale des bâtiments dont le Breeam (qui prend en compte différents critères comme l’énergie, la pollution, l’impact environnemental, la santé, le confort...).

    Les polluants de la qualité de l’air peuvent être chimiques, biologiques ou physiques.
    Les sources sont les échanges avec l’extérieur renouvellement d’air mécanique, infiltration naturelle, polluants extérieurs), les polluants issus du bâtiment lui-même (bâti et matériaux de construction, ameublement et décoration), l’occupation du bâtiment (interaction avec les surfaces, activités déployées...).

    Quant à la définition de la qualité de l’air intérieur, Anne-Claude Romain a expliqué qu’il n’y avait pas de consensus. Sur la composition et le CO2 non plus.
    La mesure de CO2 est souvent utilisée pour évaluer une bonne qualité de l’air intérieur, mais cette donnée n’est pas correctement interprétée.
    Il s’agit en effet d’un indicateur de ventilation et de présence humaine et non d’un indicateur de la qualité de l’air intérieur (cf. position document de l’ASHRA qui propose une synthèse sur l’utilité du CO2 comme critère).

    Pour améliorer la qualité de l’air intérieur il faut bien sûr pouvoir la mesurer. Pour évaluer la pollution intérieure, il existe deux approches : dans le bâtiment/habitation (analyses sur place et ou échantillons en laboratoire par le Service d’Analyse des Milieux Intérieurs...) et en laboratoire, dans des chambres d’émission (test des matériaux et produits).

    Enfin, la chercheuse a brossé la réglementation en la matière qui diffère entre la Wallonie, la Flandre, le Fédéral, et les pays européens. Et de souligner un manque d’harmonisation.

    Patrick De Visscher, Energy & Innovation Manager chez VINCI Facilities Belgium, a expliqué que tant pour le gestionnaire de bâtiments, que l’exploitant et l’habitant, la qualité de l’air intérieur constitue une composante du confort au même titre que le confort thermique, visuel et acoustique. Notons qu’il existe des normes relatives au confort.

    Le thème de la ventilation a ensuite été abordé.
    L’être humain passant entre 80% et 90% de son temps dans un espace intérieur clos et y respirant de l’air intérieur bien souvent plus pollué que l’air extérieur, il est important de ventiler.
    La qualité de l’air intérieur est influencée principalement par l’environnement extérieur, les matériaux de construction (revêtements, installations techniques...), l’occupation du bâtiment (entretien, respiration...), le mobilier et les appareils électroménagers.
    En outre, le manque de ventilation et l’humidité, augmentent le risque et la contamination biologique de l’air des espaces intérieurs. Il a évoqué brièvement la longue liste des polluants et composés organiques volatiles (COV) présents à l’intérieur des bâtiments et sources de pollution.

    En ce qui concerne la manière de ventiler, il est important de faire la distinction entre le résidentiel et le tertiaire et le type de ventilation, à savoir : naturelle, mécanique ou hybride.

    L’humidité, par exemple, est un point d’attention pour le résidentiel (cuisine, douche) et non pour le tertiaire où la maintenance préventive et curative des installation de ventilation est par contre importante.
    L’étanchéité à l’air, quand on place un système de ventilation, est quant à elle importante pour les deux types de bâtiments.
    La ventilation par l’ouverture des fenêtres, méthode classique, a des inconvénients car elle ne permet pas de connaître/mesurer le débit de l’air entrant et sortant et elle soulève des questions d’ordre énergétique (perte de chaleur...).

    Lors de la pandémie de COVID-19, la ventilation a été un moyen pour éviter la propagation du virus et à cette période, on a donné la priorité à la santé et non à l’énergie (groupes de ventilation 100% air neuf par exemple) et cela a engendré de mauvaises habitudes, comme celles d’ouvrir les fenêtres toute la journée dans les écoles, par exemple. Depuis, on remarque un intérêt croissant pour la qualité de l’air intérieur au sein des bâtiments et une évolution des technologies pour répondre au besoin de trouver un équilibre entre la santé, le confort et le coût financier. La réglementation évolue également à ce sujet.

    Michel Degaillier, Conseiller de la Cellule Qualité de l'air Intérieur à la DG Environnement du SPF Santé, a abordé les aspects législatifs avec la loi fédérale du 6/11/2022 relative à l’amélioration de la qualité de l’air intérieur dans les lieux fermés accessibles au public.

    Cette loi, ancrée sur l’expérience du COVID, repose sur différents constats évoqués plus haut et celui selon lequel l’exposition continue aux polluants de l’air, même à faibles doses, touche les organes clés de notre corps.

    Il a partagé des mesures effectuées par Sciensano dans les bâtiments, à Bruxelles, du SPF Santé publique, qui objectivent très bien la contamination de l’air intérieur par l’air extérieur pour les NOX et l’ozone. La contamination de l’air intérieur par les matériaux, dans le cas des COV, peut être fortement diminuée grâce à la ventilation qui les évacue. Dans le cadre des particules, on remarque que la situation est hybride. Les courbes de mesure sont plus diffuses et l’influence de l’extérieur est plus faible.

    La loi du 6/11, repose sur une stratégie en 4 piliers :

    • Mesurer pour agir (mesure du CO2 et des débits de ventilation et de purification et, à terme, mesure des particules, COV...)
    • Agir pour réduire les polluants (analyse de risques, plan d’actions)
    • Certifier (en construction) ; reconnaissance, mission et contrôle des certificateurs
    • Communiquer, via un label (en construction)

    Michel Degaillier a aussi fait un état des lieux des lois et arrêtés d’exécution publiés et à publier et a évoqué le besoin de réfléchir à un arrêté pour avoir des exigences minimales en termes d’entretien, de rapportage, de mesures de débits atteignables etc.

    Il a ensuite présenté le schéma de mise en œuvre des actions dans les lieux fermés accessibles au public, avec son calendrier en deux phases.
    Les exploitants et les propriétaires constituent la 1ère ligne. Les enjeux sont de rassembler toute l’information pertinente en lien avec la qualité de l’air intérieur, l’évaluer, et mettre en œuvre des actions à court, moyen et long terme. Citons, entre autres, les guides pratiques pour aider au choix, à l’installation et à la maintenance de CO2 mètres, le guide pour le choix d’un purificateur d’air, l’application gratuite identifiant les sources de pollution et listant les actions à mettre en place pour gérer ces risques...
    Les certificateurs sont eux la 2ème ligne. Ils contribuent à l’objectivité, améliorent la qualité des guides, objectivent les mesures compensatoires... Le contrôle de ces certificateurs est une étape importante pour développer une confiance en leur mission et crédibiliser leur certification, notamment.

    Pour conclure, la qualité de l’air intérieur n’a pas encore une définition satisfaisante. Retenons néanmoins que la qualité de l’air :

    • ne se résume pas uniquement au CO2 ;
    • doit prendre en compte l’environnement du bâtiment, les matériaux, la structure, l’entretien des locaux, le système de ventilation, de purification, les types d’activité, le nombre de personnes... ;
    • est trop complexe pour être résumée sous la forme d’un label avec des classes et des codes couleurs.

    Voici trois liens qui vous mènent vers les guides pratiques les plus pertinents :

    - Guide pratique pour l’élaboration d'une analyse de risques et d'un plan d’actions
    - Guide pratique pour le choix, l’installation, l’utilisation et la maintenance des appareils de mesure de la qualité de l’air
    - Guide pratique pour le choix d’un système de purification de l’air

     

    La problématique de la qualité de l’air intérieur est un enjeu aux impacts sanitaires avérés. La nouvelle législation fédérale du 6 novembre 2022 vise à objectiver les actions à prendre pour rendre l’air intérieur moins pollué.

    Tandis que nous passons, dans les pays occidentaux, entre 70% et 90% de notre temps dans des espaces confinés, l’air que nous y respirons est en général de qualité inférieure à celle de l’air extérieur.

    De multiples facteurs combinés (sources de polluants internes/externes, conception du bâtiment, ventilation, comportement des occupants) expliquent la complexité de la problématique et une gestion à plusieurs vitesses. Si les occupants ont leur rôle à jouer en termes de bons réflexes à avoir, le secteur de la construction est évidemment un des acteurs majeurs, dans un contexte pas toujours évident où la performance énergétique (PEB) guide la conception des bâtiments, challengeant ventilation et choix des matériaux, notamment.

    Cette rencontre-conférence sensibilisera aux enjeux de la qualité de l’air intérieur mis en relation avec la notion de confort, pour bâtir des espaces à la fois sains et durables.

    Objectifs de Développement Durable