
La créativité comme ressource pour construire un Nouveau
Résumé
Aujourd’hui, pour la rencontre-conférence de clôture de notre 9ème saison, nous vous invitions à prendre du recul sur les situations que nous venons de vivre en cette période de crise sanitaire, et à considérer l’avenir à travers des lunettes positives. Cette période sans précédent aura notamment révélé à quel point la créativité peut naître de la contrainte. Aussi, il nous tenait à cœur d’interroger le rôle de la créativité et de l’innovation dans le contexte actuel.
Régulièrement convoqués, ces deux concepts renferment des ressorts bien particuliers. Faux synonymes, comme Luc de Brabandere, philosophe d’entreprise, nous le rappelle, ces deux concepts sont néanmoins inter-reliés et tous deux essentiels : la créativité étant la condition nécessaire de l’innovation.
En effet, l’innovation se définit comme la capacité à faire la même chose mais plus vite, en mieux, en moins cher. La créativité, elle, est en nous ; c’est la capacité à voir le monde autrement. Il ne s’agit donc pas ici de changer le monde, mais de le simplifier.
Quels rôles pour la recherche dans les perspectives actuelles et futures ?
Le Professeur Fabrice Bureau, Vice-Recteur à la Recherche (ULiège), que Luc de Brabandere place plutôt dans le monde de la créativité, avoue qu’il confondait facilement les 2 concepts jusqu’à sa rencontre avec le philosophe d’entreprise. Pour lui, l’innovation est concrète, là où la créativité est abstraite. Le Professeur Fabrice Bureau estime qu’il y aurait lieu d’encourager nettement plus la créativité chez les chercheurs et que cette capacité à être créatif est difficilement évaluable lorsqu’on les recrute. Si on connaît les publications d’un chercheur, sa créativité n’est hélas pas mesurable, en tout cas pas à court et moyen termes… Sans doute faudrait-il pouvoir lui donner 5 ans pour le laisser s’exprimer dans sa propre recherche.
L’innovation était quelque chose de secondaire pour lui, de par son statut de chercheur fondamental, jusqu’à ce que la crise le plonge, avec ses pairs chercheurs, dans ce monde de l’innovation. Ce changement a été une bouffée d’oxygène et, ce faisant, en sortant de la compétition, ils sont devenus compétitifs.
L’innovation n’admet pas la tricherie. Elle marche ou pas. C’est une qualité qui, pour lui, n’existe pas dans la créativité, qui se confronte à la réalité. La créativité peut être mise au service de la tricherie, de la falsification. Nous en avons eu un exemple pendant la crise du Covid-19 avec l’article anti-hydroxychloroquine falsifié dans The Lancet.
Le Professeur Fabrice Bureau a conclu en citant le philosophe des sciences, Paul Feyeraben, pour qui "une dose d'anarchisme méthodologique ne pourrait être que profitable à la science" et qui disait qu' "en sciences, tous les coups sont permis" ; et fait le parallèle avec ce qui s'est passé pendant la crise : on a violé les règles méthodologiques, réglementaires, administratives... on est passé au-dessus des essais cliniques... et tout d'un coup, on s'est retrouvé dans un monde qui marche beaucoup mieux et où on fait quelque chose de concret pour les gens.
Un peu d’anarchisme ferait donc du bien à l’avenir pour sortir d’un cadre trop réglementé et contraignant...
Quels enjeux pour l’écosystème industriel en Wallonie et quels points forts mettre en évidence pour rebondir ?
Pascale Delcomminette, CEO (AWEX et WBI), a ensuite démarré son exposé en affirmant que la contrainte suscite et accélère la créativité mais, selon elle, la crise a révélé que le terreau wallon est également très fertile et propice à la rencontre de la créativité et de l’innovation.
Elle a ensuite cité plusieurs exemples d’initiative solidaires qui ont eu lieu en Wallonie et à l’étranger. Aussi, elle ajoute à l’équation le terme d’agilité et la notion de résilience, dus notamment à la spécialisation de la Région dans le secteur pharma. La crise a en effet engendré des opportunités commerciales (AMB Ecosteryl, Zentech...) et des connexions entre universités et entreprises. Elle a expliqué que, pendant cette période, le travail de l’AWEX et WBI a été de faire un travail de veille (mise sur pied d’un laboratoire des idées), détecter les opportunités, identifier les besoins.
Aujourd’hui, il faut capitaliser sur ce terreau tant proactif que réactif pour repérer les chaines de valeurs stratégiques, les chainons manquants... Elle insiste sur le fait que cette réappropriation de filière doit s’entendre dans une vision de mondialisation positive et bénéfique. Nous devons cultiver cette volonté de travailler ensemble et renforcer l’innovation ouverte.
Elle s’accorde également, en conclusion, sur la nécessité de davantage de souplesse, d’agilité, et le besoin de simplification des règles. Il est également important, selon elle, de développer des cercles libres dans les structures, des endroits de liberté où on dépose des idées... et dans lesquels on peut être créatifs.
La rencontre s’est terminée par un riche moment d’échanges entre nos trois intervenants, sur base des réactions et questions posées par les 150 participants connectés.
Retrouvez les présentations de nos orateurs ainsi que le replay de cette rencontre ci-dessous :