Investir et financer la transition énergétique : enjeux techniques, économiques et environnementaux

Le sujet d’aujourd’hui était à nouveau centré sur la thématique de la transition énergétique, que nous avons abordée sous l’angle économique et technique.

Après une brève présentation du groupe de recherche dont il fait partie, Sylvain Quoilin, Chercheur Qualifié FNRS et Professeur Associé à la Faculté des Sciences Appliquées, A&M, ULiège, a démarré les échanges en donnant quelques éléments de contexte.

Changements climatiques, travaux du GIEC et limites fixées dans ce dernier rapport, concept de budget carbone mondial, réserve de combustibles fossiles... le challenge peut sembler inaccessible.

Il a expliqué les leviers d’actions existants pour réduire nos émissions globales : au niveau de la population mondiale (on ne peut rien faire à notre niveau), au sujet de la consommation de biens et services (il s’agirait d’aborder la « sobriété », de consommer moins), à propos de l’énergie (viser l’efficacité énergétique), pour contrer l’intensité carbone (favoriser l’usage du renouvelable, du nucléaire...), et enfin, en ce qui concerne les émissions négatives (cela reste des solutions à renforcer car à impact faible).

Ces différents leviers d’actions relèvent de différents types de solutions que sont le comportement humain, les solutions technologiques et des solutions incertaines.

Ensuite, il a présenté différentes recherches et différentes méthodes de modélisation utilisées dans son service.

Deux tendances majeures du futur marché européen de l’électricité peuvent être tirées des différents modèles : plus la transition énergétique va avancer plus il y aura des variations de prix de l’électricité et plus les prix du CO₂ vont augmenter.

Sylvain Quoilin a ensuite parlé de la modélisation de la flexibilité des ressources, en s’appuyant sur la modélisation dans les secteurs hydroélectriques, du chauffage urbain et des véhicules électriques, selon le paramètre zéro flexibilité ou flexibilité totale.

Il a conclu son exposé en présentant les principaux enseignements de ces modèles :

• La sobriété et l’efficacité énergétique sont incontournables et l’efficacité énergétique peut être activée partout ;
• Les prix du CO₂ vont continuer à augmenter ;
• Les prix en hausse du CO₂ vont ouvrir des possibilités vers de nouvelles filières de production ;
• L’électrification va se poursuivre (secteur du transport, du chauffage...) ;
• L’électrification va engendrer la flexibilité ;
• L’utilisation de la biomasse, ressource limitée, doit être réservée à des secteurs difficiles à décarboner, pas pour faire du chauffage ;
• N’utilisons pas non plus d’hydrogène pour du chauffage à 30 degrés. Cette ressource est à nouveau bien plus opportune pour d’autres secteurs (l’acier par exemple) ;
• Le recours à l’hydrogène pour les transports doit être limité au transport longue distance ;
• Les différents secteurs énergétiques doivent interagir (stockage batterie, centrale pompage turbinage, secteur thermique, gaz) ;
• La chaleur fatale constitue un grand enjeu. Elle doit être récupérée et transférée pour faire du chauffage, développer des réseaux de chaleur.

L’entreprise Delpower a été créée en 2011 avec pour objectif de concevoir des solutions d’économie d’énergie. Elle s’est rapidement orientée vers le diagnostic énergétique et est devenue un spécialiste de la mesure. Par la suite, l’entreprise a évolué comme intégrateur de solutions de comptage et a développé sa propre solution logiciel EASEE. Aujourd’hui, Delpower construit des solutions technologiques centrées sur les besoins métiers.

Hervé Delporte, son fondateur et directeur, a ensuite détaillé deux cas pratiques d’investissement dans la transition énergétique : celui de Delpower et celui d’une entreprise agroalimentaire, Firmenich.

L’approche globale et intégrée de la roadmap énergétique suivie par l’entreprise a été présentée ; à court, moyen et long terme. Hervé Delporte a aussi abordé les différents types d’indicateurs, simples et avancés, qui rentrent dans le calcul de la rentabilité économique d’un projet (ROI).

L’audit énergétique, en parallèle au monitoring énergétique, est généralement le point de départ d’une transition énergétique car il permet d’identifier le potentiel d’amélioration, en interne, de l’entreprise. Ensuite, l’identification des pistes d’amélioration, leur priorisation et leur concrétisation nécessitent une analyse approfondie des besoins techniques et financiers. C’est de cette étape que découle un plan d’actions. Aussi, il faut savoir que les émissions externes, qui se font en dehors du périmètre de l’organisation, représentent la part la plus importante de l’impact environnemental d’une organisation. Pour les identifier, un bilan carbone ou une analyse du cycle de vie des produits peuvent, par exemple, être réalisés.

Avec l’augmentation du prix de l’énergie, notons que la période de ROI va devenir plus courte dans le temps et qu’on va pouvoir capitaliser sur des projets d’investissement avec des rendements plus importants.

Les possibilités de financement sont diverses mais complexes : subventions, prêts subordonnés, contrats de performance énergétique, avances récupérables....

Des innovations dans les mécanismes de financement devraient également voir le jour pour catalyser les investissements dans la transition énergétique.

Enfin, en guise de conclusion, il a mentionné les autres effets que peuvent produire les investissements énergétiques ou durables :

• Score ESG (valorisation extra-financière) ;
• Positionnement commercial (alignement aux nouvelles exigences du client et consommateur, différentiation…) ;
• Attraction et rétention des talents (création d’une vision centrée sur le développement durable, création de projets fédérateurs et de sens) ;
• Opportunité de développement de nouveaux modèles d’affaires (économie de la fonctionnalité, économie circulaire, communautés d’énergies....) ;
• Investir dans la transition écologique et sociale ouvre des perspectives en matière d’innovation, de différentiation ;
• Cette innovation renvoie nécessairement à un changement de mentalité suivi d’un changement de modèle économique et de nouveaux investissements engendrant de nouveaux risques ;
• Ces changements ne peuvent être conduits que si l’entreprise est composée d’un management et d’un actionnariat inspirés par de tels développements.

Retrouvez ci-dessous les présentations de la rencontre :