
Des tiers-lieux à Seraing ? Vers de nouveaux partenariats publics-communs
Résumé
Cette conférence, organisée en partenariat avec le collectif 11h22 dans le cadre de Confluences, fut l’occasion de revenir sur les différentes opportunités qu’offre un tiers-lieux au sein d’un territoire comme celui de Seraing. Alors, comment s’y prendre ?
Antoine Burret, sociologue de formation, a commencé par expliquer comment sont nés les tiers-lieux et quels étaient leurs rôles dans les sociétés. Les tiers-lieux pointent le déclin des sociabilités dans les villes et donc l’importance des lieux de sociabilité dans les sociétés humaines. Ces lieux ont changé depuis les années 80/90 et ils se sont adaptés aux différentes cultures mondiales. Dans différentes régions du monde, les tiers-lieux permettent d’améliorer la qualité de vie des personnes en souffrance et jouent donc un rôle déterminant chez les jeunes comme chez les personnes plus âgées. Des configurations tiers-lieux naissent également pour faire face à la crise.
En mettant la sociabilité au cœur du projet, on crée une réflexion sur les espaces communs qui ouvrent leurs lieux à la société. En effet, on ne crée pas un tiers-lieu, on devient le tiers-lieu d’une communauté. Pour que cela fonctionne, il faut l’intérêt du territoire et des formats qui permettent à d’autres acteurs d’y venir. La sociabilité est ici définie par la joie d’être ensemble et pas juste par un lieu de production ou de consommation.
Il existe une politisation des tiers-lieux, qu’on retrouve dans le manifeste des tiers-lieux, qui définit les bases d’un tiers-lieu et comment on l’envisage, et dans movilab.org, créé en 2013, qui est un projet de patrimoine d’information commun en open source des tiers-lieux libres francophones.
Le risque avec une politique publique des tiers-lieux serait que l’acteur public se saisissent des tiers-lieux, comme l’acteur privé d’ailleurs, pour imposer ses valeurs dans la société. Il est donc essentiel de réfléchir à comment les communautés locales peuvent s’emparer des tiers-lieux.
Valérie Depaye, Directrice de ERIGES, a ensuite enchainé en expliquant les grandes lignes du programme de rénovation du territoire via le Master Plan urbanistique sérésien.
Le sol des friches polluées sur le territoire sérésien pourrait devenir une perspective de sociabilité à la place d’un fléau environnemental. Des techniques de dépollution existent qui permettraient aux citoyens d’utiliser ces espaces tout en favorisant la biodiversité grâce aux végétaux qui pourraient s’y développer.
Après le départ de Arcelor Mittal, les acteurs publics se sont positionnés pour récupérer les bâtiments laissés à l’abandon afin de servir une transition environnementale et économique de Seraing. Au travers d’un processus co-pensé entre l’acteur public et les citoyens, des espaces verts ont été créés et les bâtiments emblématiques conservés à des fins de réappropriation de l’histoire sérésienne.
Ainsi, lorsque le secteur public devient prioritaire pour l’acquisition de bâtiments industriels laissés à l’abandon, il les sauve de la démolition ou d’une dégradation certaine pour les rendre accessible aux citoyens. Par exemple, USE-IN, un événement éphémère dans une ancienne Halle de Cockerill du centre de Seraing qui n’était pas qualifié de tiers-lieu mais qui incluait les citoyens, leurs témoignages et leurs participations.
Gabrielle Leblanc et Pierre-Laurent Salin de l’Etoile, Directrice générale et Administrateur de Maison Mère, ont poursuivi les échanges en direct de Baie-Saint-Paul du Canada, près de Montréal, en expliquant leur implication dans le collectif Maison Mère, un ancien couvent désaffecté acquis par la Ville.
Un processus de requalification s’est mis en route au travers d’analyses patrimoniale, technique et spatiale pour en faire un lieu qui offre des opportunités qui répondent aux besoins du territoire. Ils se sont également concentrés sur une structure de gouvernance agile pour avoir une base solide sur laquelle travailler. Plus de 90 personnes ont été concertées (citoyens, experts…) sur différentes questions liées au développement durable, à la culture et à l’économie.
Une question fondamentale se posait pour mener à bien ce projet de tiers-lieu :
Comment faire pour arriver à l’autonomie financière du projet ?
Ce fût le fruit de longues concertations pour arriver à faire de l’ancien couvent le cœur d’une innovation durable misant sur la jeunesse. Ils se sont donc inspirés de l’histoire de la ville sans faire table rase du passé car c’est en misant sur le rapport humain et sa connectivité avec la nature que s’est développé Baie-Saint-Paul et cela fait toute la différence aujourd’hui. Aussi, le développement socio-économique de la ville est directement relié à la congrégation. Leur communauté souhaitait préserver le moteur/noyau de leur tissu socio-économique. Aujourd’hui, le cœur n’est plus composé par des gens qui portent le voile mais des personnes qui portent dans leur cœur le bien-être de la collectivité et c’est un travail de tous les jours.
Les défis et les objectifs de Maison mère étaient nombreux :
- Atteindre l’autonomie financière pour le fonctionnement : l’autonomie financière reste un vrai objectif pour avoir une acceptation de ce lieu et il a fallu travailler en transparence avec les citoyens qui ont financé ce projet.
- Trouver du financement pour la mise en conformité et les améliorations locatives : les chambres des sœurs ont été rénovées en chambres d’hôtes, ce qui permet de répondre à un besoin de logement dans divers secteurs
- Agir de manière transparente en composant avec l’inconnu et l’incertitude citoyenne (acceptabilité sociale fragile)
- La structure de gouvernance
En ce qui concerne les retombées, Maison Mère facilite l’émergence de nouveaux projets et favorise leur pérennité et ainsi, a permis, en seulement deux ans, qu’il y ait deux fois plus de personnes travaillant à Baie-Saint-Paul.
Aujourd’hui, on voit qu’il y a un croisement générationnel et de secteurs d’activités à Maison mère (ateliers d’artistes, entreprises en environnement, citoyens, espace de coworking, entreprises qui y sont passées et ont grandi…). Ils espèrent aussi attirer des entreprises qui ne sont pas spécialement de la région. De nouveaux projets vont naître et pérenniser Maison Mère financièrement.
Baie-Saint-Paul est aussi désormais un lieu prisé par les amateurs de culture et d’événements.
Le fondement du processus de requalification est la mise en valeur de l’histoire du lieu via un profond sentiment d’appartenance et une communauté tissée, de laquelle émergent des projets faits « pour les citoyens et par les citoyens ».
En d’autres termes, Baie-Saint-Paul est un endroit où il fait bon vivre et où l’on prend « le temps de vivre hors du temps ». Néanmoins, Maison mère reste une entreprise qui a encore du mal à rester en équilibre budgétaire, à cause de la grandeur du bâtiment et la surface des terrains.
Vous pourrez retrouver, ci-dessous, la fresque de Manon Dubois, membre du collectif 11h22, qui a retranscrit les échanges de nos orateurs via une facilitation visuelle ainsi que l'enregistrement de la conférence sur notre page facebook.
Retrouvez ci-dessous les slides de la présentation :