De l’art de guérir à l’art de prévenir … Réinventer la relation patient-soignant
Résumé
Le secteur des soins de santé est en pleine (r)évolution sous l’effet de différents facteurs dont le développement des technologies. Dans le contexte actuel de notre société qui connaît une mutation globale, aucun secteur n’échappe à ces transformations qui impactent également l’humain et les relations humaines.
La rencontre-conférence que nous organisions hier à l’Hôpital de la Citadelle réunissait 4 intervenants aux regards complémentaires pour se pencher sur la relation « patient-soignant ». Une relation qui a toujours été là mais sur laquelle il s’agit aujourd’hui de poser un regard neuf.
Le Docteur Letesson (Hôpital de la Citadelle) a entamé la conférence en rappelant les progrès énormes permis aujourd’hui par les NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives), l’intelligence artificielle, l'Internet des Objets et les « big data » qui les accompagnent. Si ces développements permettent d’avoir un rapport au patient plus personnalisé et de l’aborder dans toute sa singularité, il y a lieu de rappeler que ces technologies ne sont jamais que des outils et qu’elles ne doivent en aucun cas remplacer les contacts humains. On ne connaît pas encore de support technologique capable d’empathie (une notion centrale sur laquelle Mireille Monville reviendra également).
Indéniablement, un des atouts amenés par le pouvoir des données et des algorithmes, est l’avènement d’une médecine plus prédictive.
Là où la médecine empirique plaçait le médecin comme l’acteur central, la médecine des 4P (Préventive, Proactive, Personnalisée et Participative) déplace le praticien au sein d’une véritable constellation du « Care », où de multiples autres acteurs interviennent, au premier rang desquels le patient lui-même, à la fois rouage et centre de gravité (voir schéma ci-dessous, slide 6).
Et de conclure que désormais, le patient s’appropriant de plus en plus sa santé, il s’agit de le considérer en tant qu’acteur participatif dans son parcours de soin. Le négliger serait risquer de se retrouver face à des réactions réfractaires.
Mireille Monville (Service Valorisation de l’Humanisation, CHU de Liège) est ensuite intervenue pour parler d’éthique relationnelle, rappelant l’importance de la mécanique des liens.
Elle a introduit le sujet en citant Cynthia Fleury : « Poser au cœur du soin, de la santé, et plus généralement, dans nos relations avec les autres, l’exigence de rendre la vulnérabilité capacitaire et de porter l’existence de tous comme un enjeu propre, dans toutes les circonstances de la vie ».
Dans une société narcissisante et autocentrée, il faut rappeler la nécessité de mettre l’humain au centre.
Insistant sur ce qu’il se passe dans la rencontre entre le patient et le praticien, elle a mis en évidence des notions telles que le sens, le savoir intuitif, les émotions, et l’authenticité ; un mot-clé lorsque l’on considère le patient comme un partenaire. L’empathie, également, qui correspond à un positionnement éthique qui permet de ressentir sans sentir (la douleur de l’autre).
Prônant aussi une vision holistique du patient, elle a encore partagé l’importance à ses yeux d’accueillir la singularité de l’autre.
Bien entendu, ce positionnement entraîne une certaine remise en cause d’un modèle plus patriarcal qui induirait une relation de pouvoir et de contrôle entre celui qui sait et celui qui est assujetti à ce savoir. C’est bien l’un des enjeux de cet équilibre à trouver pour une relation qui se veut plus partenariale. Afin d’accompagner le corps soignant dans cette voie nouvelle, Mireille Monville a énoncé l’importance de la communication thérapeutique, intégrant aussi bien le choix des mots que la posture corporelle, par exemple.
Delphine Kirkove (Faculté de Médecine, Santé Publique, ULiège) a rebondi sur les deux exposés précédents en amenant le concept d’éducation thérapeutique ou « éducation du patient ».
Dans un monde en transition, qui connaît de nombreuses évolutions (démographiques, épidémiologiques, sociétales, technologiques…), la relation patient/soignant est elle-même amenée à évoluer. En partant du postulat que le patient connaît davantage sa pathologie, avec laquelle il vit tous les jours, couplé à un apprentissage, le soignant peut déléguer certaines compétences au patient et ainsi créer une relation de partenaires.
Pour illustrer ce changement de paradigme, Delphine Kikove a comparé cette relation à une voiture : là où la médecine « paternaliste » plaçait le soignant au volant, il se trouve désormais co-pilote, aux côtés du patient pour le guider.
Le soignant adopte dès lors une posture éducative et accompagne le patient dans l’acquisition de compétences, afin qu’il puisse être autonome et conduire seul sa voiture.
Cette nouvelle posture implique également d’accueillir le patient dans sa globalité, avec tout ce qui influence sa façon d'aborder sa pathologie, et de se centrer sur ses objectifs de vie et plus seulement sur des objectifs de santé.
Enfin, Nathan Charlier (Faculté de Médecine, Santé Publique, ULiège) a évoqué la mise en œuvre du projet transdisciplinaire « medical humanities », inspiré de pratiques plus courantes dans les pays anglo-saxons et qui vise à amener, dans le cursus de médecine, des pratiques réflexives basées notamment sur la lecture de textes d’auteurs de sciences humaines et sociales.
Le partage de ce programme intégré au cursus de la Faculté de Médecine a encore souligné l’importance de se décentrer de la seule approche « technico-centrée », dans un contexte où le corps médical est de plus en plus amené à faire face à des questions éthiques, par exemple.
Retrouvez ci-dessous les présentations de cette rencontre :
De l’art de guérir à l’art de prévenir … Réinventer la relation patient-soignant from LIEGE CREATIVEAnnonce
Depuis quelques années, la médecine au sens large bénéficie d’une importante synergie venue de différentes révolutions scientifiques telles que les NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives), l’intelligence artificielle, l'IdO et les « big data » qui les accompagnent.
Là où la médecine empirique plaçait le médecin comme l’acteur central, la médecine des 4P (Préventive, Proactive, Personnalisée et Participative) qui s’annonce déplace le praticien au sein d’une véritable constellation du « Care* », où de multiples autres acteurs interviendront, au premier rang desquels le patient lui-même.
Cette évolution pousse le monde médical, dont les médecins mais aussi les patients, à se réinventer, à changer de paradigme à la fois dans leur prise en charge mais aussi dans leurs interactions.
Ce changement nécessite une prise de conscience de chacun et ce afin d’aboutir à un mieux sans se voiler la face sur les enjeux éthiques et sociétaux que cela soulève. C’est ce voyage que nous vous proposons d’envisager…
*« prendre soin ».
En collaboration avec l'Hôpital de la Citadelle