Orateur(s)
Haïssam Jijakli Professeur d'Agriculture Urbaine (Gembloux Agro-Bio Tech, ULiège)
Francis Krauth Berger (Coopérative Rosa Canina)

Comment promouvoir, en milieu urbain, des projets respectueux de l’environnement, renforçant liens sociaux et biodiversité ?

    Résumé

    Cette rencontre-conférence a permis de présenter deux projets en milieu urbain liant biodiversité/agriculture et reconnexion humain-nature.

    Haïssam Jijakli, Professeur d'Agriculture Urbaine (Gembloux Agro-Bio Tech, ULiège), a d’abord présenté le projet de verger et potager communautaire de la plateforme WASABI. Il a rappelé que l’agriculture contribue au déclin des indicateurs de la planète mais que les chercheurs travaillent sur le sujet et sur la mise en place de méthodes innovantes, s’appuyant sur l’économie circulaire entre autres.

    Comme l’agriculture occupe 50% des terres habitables, il est aussi question de relocaliser de l’agriculture dans les villes et les périphéries de celles-ci. C’est ici qu’entre en jeu l’agriculture urbaine et péri-urbaine. Elle consiste à cultiver des plantes et élever des animaux dans la ville et sa périphérie pour distribuer (voire transformer) sa production en ces mêmes lieux. Le professeur Jijakli a souligné qu’un des défis de l’agriculture est l’évolution vers un régime alimentaire plus sain, qui devrait notamment contenir une plus grande proportion de légumes qu’à l’heure actuelle.

    Dans ce cadre, il est important de sensibiliser le grand public, et cela peut se faire à travers les jardins collectifs. Il en existe différents types : les jardins familiaux (où la production est importante), les jardins partagés (avec le lien social en plus), les vergers collectifs.

    La mise en place d’un jardin collectif fait aussi partie des activités du projet WASABI (la Plateforme WAllonne de Systèmes innovants en Agriculture et BIodiversité urbaine), que le professeur Jijakli coordonne, en collaboration avec d’autres professeurs de la Faculté de Gembloux, l’idée étant de faire dialoguer biodiversité et agriculture, et de mettre les services écosystémiques au service de l’agriculture.

    Il a présenté cet outil unique en Europe divisé en 4 pôles (agriculture urbaine, biodiversité, jardin botanique, jardin de pluie), sur un site de 5ha qui est à la fois un lieu d’enseignement pour les étudiants, de recherche et de démonstration. Cet espace permet de tester différentes méthodes d’agriculture urbaine (maraichage en pleine terre, aquaponie, production de plantes à haute valeur ajoutée en indoor, serre urbaine connectée à un bâtiment, agrivoltaïsme).

    Afin de connecter la plateforme au public, une partie du terrain restant va être transformée en potager et verger communautaire. Cette aventure collective est avant tout un partenariat entre différents acteurs : académique (Uliège), public (Ville de Gembloux, Wallonie), privé (entreprises Green SURF et EcoRes) et ASBL (Fédération des parcs naturels de Wallonie), avec comme objectif d’amener la société civile sur les parcelles.

    Pour la partie potagère, on est sur un aspect organique, qui a dû tenir compte de l’existant (captages d’eau).

    Pour le verger, il s’agit de préserver l’environnement (travail avec un spécialiste en espèces conservatoires), de proposer un espace d’apprentissage et de transmission (formation sur la gestion de la taille, par exemple) et d’être participatif et inclusif.

    Haissam Jijakli souligne l’importance de la communication car il faut être démonstratif et visible pour susciter l’intérêt. Une fois les marques d’intérêt récoltées à la suite d’une campagne de communication, des ateliers participatifs ont défini 3 cercles d’implication pour permettre à un collectif de se mettre en place pour gérer les cultures et les récoltes. La création d’un noyau dur s’est mis en place pour gérer les différentes activités.

    Francis Krauth, Berger (Coopérative Rosa Canina), a ensuite présenté la société participative Rosa Canina. Ce projet d’éco-pâturage a débuté en 2002 avec l’EFT Cynorhodon puis une diversification des activités a mené à la création d’une asbl en 2017 et au passage à une société coopérative d’économie sociale en 2021.

    Francis Krauth a défini l’éco-pâturage comme un mode de gestion ou d'entretien écologique des espaces verts ou espaces naturels avec des animaux herbivores domestiques.

    Cela peut se faire avec différentes espèces et il existe plusieurs techniques :

    • Soit les moutons sont contenus dans des clôtures fixes (mais cela demande plus d’investissement),
    • Soit on utilise des clôtures mobiles électrifiées, 
    • Soit c’est de l’itinérance avec un berger.

    Le plus important est d’adapter la solution à la situation existante. En ville, la biodiversité mais aussi les humains ont leurs habitudes et il faut tenir compte des usages en cours (lieu de promenade de chiens, par exemple). Les clôtures électrifiées sont plus adéquates dans les zones de passage alors que les zones comme les réservoirs et châteaux d’eau peuvent avoir des clôtures fixes. L’asbl Rosa Canina est active sur la Ville de Liège (7 sites), Chaudfontaine (site Erika avec un berger), sur plusieurs sites de la Cile (des châteaux d’eau et réservoirs) et à Grâce-Hollogne. Et il y a encore de la demande comme le montre les nouveaux projets prévus en 2025. Le berger a ensuite montré toute une série de photos de leurs emplacements d’éco-pâturage (le Pré Fabry, la Chartreuse, le Terril Batterie, le parc de Cointe, le site Erika…).

    Il a ensuite identifié les intérêts de l’éco-pâturage : 

    • Son rôle pour la biodiversité en maintenant des milieux ouverts ou semi-ouverts. Ce qui est essentiel pour des espèces comme le crapaud calamite, le demi-deuil (papillon) ou le lucane cerf-volant (coléoptère) par exemple. En effet, quand des sites autrefois ouverts ou semi-ouverts se reboisent, on perd ces espèces, comme sur le site de la Chartreuse.
    • La lutte contre les plantes invasives (comme la renouée du japon). L’éco-pâturage permet au minimum de contenir ces espèces non-indigènes invasives.
    • Le lien à reconstruire entre l’humain et la nature, notamment chez les enfants. C’est dans cet esprit, qu’ils font des transhumances (déplacements du troupeau à certains moments de l’année) des évènements un peu festifs, des moments de rencontres.

    Rosa Canina gère en éco-pâturage environ 40ha, tous situé dans le grand Liège. Ils réalisent aussi des travaux en faveur de la biodiversité (prés fleuris, plantation de haies avec Plant C…), la pose de clôtures et des services bergers (aide pour la gestion des troupeaux). Un autre projet, en construction, est la valorisation de la laine pour laquelle ils cherchent un lieu pour le stockage et le tri de la laine.

    Enfin, Francis Krauth a abordé les défis et enjeux à venir :

    • De nombreux projets sont encore possibles en termes de valorisation de la biodiversité par éco – pâturage dans le grand Liège
    • Obtenir un Agrément initiative d’économie sociale (IES)
    • L’éco–pâturage et la biodiversité peuvent être créatrices d’emploi et donc former des ouvriers de la nature/berger
    • Investir le monde des entreprises car il y a des possibilités importantes au niveau de la biodiversité
    • Développer la filière laine


     

    Savez-vous que l’écopastoralisme se pratique à Liège, en différents endroits (Coteaux, Cointe, Fayenbois…), pour entretenir les espaces naturels et préserver la biodiversité ? La pratique de l’éco-pâturage, avec des troupeaux de moutons, offre, en effet, de nombreux avantages dont un entretien plus facile (lorsque les sites sont difficiles d’accès) et moins coûteux, un attrait touristique et bien évidemment, une biodiversité respectée.

    Après le partage des divers atouts de cette pratique de gestion alternative par la coopérative bergère Rosa Canina, c’est une autre pratique innovante qui sera présentée : la mise en œuvre d'un potager/verger communautaire à Gembloux Agro-Bio Tech.

    Se concentrant sur la création d'un espace de culture biologique accessible à tous, cet espace communautaire où les habitants peuvent cultiver leurs propres fruits et légumes, renforce les liens sociaux en apprenant des techniques de jardinage biologique.

    Durabilité, préservation de la biodiversité et renforcement des liens sociaux sont les points communs de ces deux projets qui représentent des méthodes alternatives vertueuses pour l’environnement et la société dans son ensemble.

    Objectifs de Développement Durable