Orateur(s)
Nicolas Antoine-Moussiaux Professeur (Faculté de Médecine Vétérinaire, ULiège)
Véronique Servais Professeur (Faculté des Sciences Sociales, ULiège)
Frantz Gault Co-Fondateur (Ultra Laborans)
Olivier Douxchamps Visé Plant Manager (Knauf Insulation)
Etienne Schillers Collaborateur (Studio Paola Vigano)
Olivier Pestiaux (Projet Sambre)
Sylvain Boisson CEO et Co-Fondateur (VIVUS)

Repenser le rapport au vivant

Soirée de lancement de Saison
    Résumé

    Lors de cette conférence de lancement de saison, notre panel d’intervenants nous invitait à questionner le rapport que nous entretenons avec le vivant et à changer de paradigme pour réussir une transition durable.

    Frantz Gault, sociologue des organisations, et Olivier Douxchamps, manager de l’usine de production de laine de verre, Knauf Insulation à Visé, ont abordé, sous la facilitation de Virginie Xhauflair, Professeure à HEC-Liège et chercheuse au Centre d’économie sociale ULiège, notre relation à la nature dans les organisations.

    Dans son livre « La nature au travail », Frantz Gault explore d’autres façons de considérer la nature, que par une relation instrumentale comme c’est le cas chez nous (d’autres manières de voir la nature existent, par exemple, en Amazonie). Plutôt considérées comme des ressources, les entités naturelles deviennent des personnes à représenter.  

    Chez Knauf Insulation une stratégie ambitieuse et des investissements importants ont été mis en place, avec un focus sur quatre piliers principaux : 

    • L’humain et la sécurité ; 
    • Le style de management qui favorise l’amélioration continue et la force d’initiative de chacun ; 
    • Le client qui est désormais davantage accompagné (avec la création d’une école de l’isolation par exemple) ; 
    • La durabilité. 

    Pour ce dernier pilier, l’objectif est d’arriver à être neutre en émissions CO2 dans les 10-15 ans, ce qui amène à travailler sur de nombreuses problématiques et à réfléchir sur les ressources et notamment les matières recyclées, avec le défi de récupérer les matières premières issues des démolitions. L’entreprise devance les obligations réglementaires en matière de durabilité et Olivier Douxchamps voit une évolution chaque année ; le directeur sustainability a monté les échelons et son équipe s’est agrandie, par exemple. Le challenge reste d’aller de l’avant tout en restant compétitif par rapport au reste du monde.

    Virginie Xhauflair a présenté la théorie de la durabilité faible et forte. La durabilité faible considère toujours la nature comme une ressource (on cherche d’abord à préserver l’humain et les générations futures). La durabilité forte veut restaurer les écosystèmes et, dans ce concept, le capital naturel n’est pas substituable à un autre type de capital (technologie, etc.) au vu de l’importance des services écosystémiques et de leur interdépendance.

    Frantz Gault a partagé quelques scénarios pour aller plus loin :

    1. Comme la nature travaille pour nous, elle doit pouvoir recevoir un salaire (pour les animaux par exemple) et être syndiquée (pour défendre ses intérêts) ;
    2. Représenter la nature en tant que partie prenante au sein de l’entreprise (au conseil d’administration par exemple) ;
    3. Quand bien même la nature serait partie prenante et syndiquée, elle n’aurait pas de réel pouvoir en entreprise car en entreprise, le pouvoir souverain c’est l’actionnaire. Aussi la nature devrait être actionnaire et ainsi recevoir des parts sociales, des dividendes et un droit de vote (ce qui permet d’influencer les décisions de l’entreprise) en retour de son apport en nature (exemple : Patagonia).

    Nicolas Antoine-Moussiaux, Professeur en Faculté de Médecine Vétérinaire (ULiège), a ensuite abordé le concept d’une seule santé (One Health) pour lequel la santé des humains et celle des animaux, des végétaux et même des bactéries sont enchevêtrées et dépendent tellement les unes des autres que c’est comme s’il n’y avait qu’une seule santé.

    Derrière ce concept, il y a aussi une approche qui repense le rapport au vivant mais aussi au savoir et à l’incertitude. Il y a un questionnement par rapport aux pratiques de gestion, de contrôle, dans la sphère biomédicale et vétérinaire. On ne peut pas tout contrôler. Il faut faire preuve d’altérité, accepter la complexité de l’autre (être vivant), lui laisser une place.

    Nicolas Antoine-Moussiaux donne l’exemple du constat d’insatisfaction par rapport à la stratégie de contrôle du Covid-19 et évoque les maladies émergentes et zoonoses, conséquences d’écosystèmes perturbés (par l’agriculture, la déforestation…) à l’échelle planétaire. Il invite à reconsidérer notre approche des savoirs (scientifiques mais aussi expérienciels, issus des animaux…) à travers la transdisciplinarité et la multiplicité des regards, et à reconnaitre le savoir partout où il se niche, peu importe sa forme. Enfin, s’il est nécessaire d’être préparé à réagir, il faut aussi travailler dans la prévention et produire de la santé (exemple : pour contrer l’antibiorésistance).

    Le troisième temps de la soirée, modéré par Christophe Schoune, journaliste d’Imagine Coop, était consacré à notre rapport aux cours d’eau. L’artiste Olivier Pestiaux nous a parlé du Projet Sambre 2030 qui vise à doter la Sambre d’une personnalité juridique en évoquant d’abord brièvement l’histoire des droits de la nature et des fleuves (comme le fleuve Whanganui en Nouvelle-Zélande) qui se déploient mondialement, cas par cas. Le droit de la nature est un droit animiste qui peut être de trois sortes : sacré, totémique ou scientifique. Concernant le projet Sambre 2030, il s’agit du droit post-industriel de la nature (la Sambre étant la 1ère rivière belge canalisée). Ce projet d’anticipation, holistique et systémique, s’articule autour de quatre pôles (juridique, culturel et artistique, environnemental et socio-économique). Olivier Pestiaux a souligné l’importance de la communication entre pays, les cours d’eau étant transfrontaliers. Pour lui, Sambre 2030 est un projet topique (lié au territoire) et non utopique.

    Etienne Schillers, collaborateur du Studio Paola Vigano, a ensuite mis en avant le projet de réaménagement du territoire autour de la Vesdre, suite aux inondations de juillet 2021. Une équipe interdisciplinaire, rassemblant le Studio Paola Vigano et des spécialistes de l’ULiège dans différents domaines (tourisme, aménagement du territoire, hydrologie…) a été mise en place. Le travail d’arpentage du Studio et les diagnostics des scientifiques ont abouti à la création de plusieurs scénarios. Parmi ceux-ci ; un scénario de « business as usual » et, à l’opposé, un autre intitulé « Ce que veut la rivière », dans lequel la rivière est considérée comme un sujet. Historiquement, la Vesdre a été utilisée pour sa force et la qualité de son eau et est, de fait, considérée comme un objet. Considérer la Vesdre comme un sujet soulève toute une série de question (par exemple, doit-on lui rendre des espaces ?). Etienne Schillers a aussi rappelé que les gens de la Vallée ont un lien avec la Vesdre (lié à leur enfance, leurs déplacements quotidiens). Pour lui, une solidarité territoriale serait importante afin que chacun (notamment les personnes habitant sur le haut de la vallée) fasse des efforts pour limiter le ruissellement. Il faudrait également développer une culture du risque locale (basée sur l’existant) et enfin ne pas juste réparer mais penser au futur (qui d’après les modèles climatiques sera une alternance d’inondations et de sécheresses).

    En conclusion des échange, Sylvain Boisson a présenté brièvement sa spin-off issue de l’ULiège, Vivus, qui offre des solutions pour transformer les espaces urbains et industriels en respectant l'environnement.

    La soirée a également été l’occasion de lire un extrait du texte de Nicolas Ancion, rédigé pour l’Assemblée Biodiversité du projet Rêvons Liège 2030.

    Cette rencontre est à présent complète.
    Contactez nous via info@liegecreative.be si vous souhaitez être inscrit·e sur liste d'attente ou si votre entreprise est partenaire de LIEGE CREATIVE.


    Repenser notre rapport au vivant est indispensable pour réussir une transition durable vers un équilibre des besoins humains avec ceux de la planète et de tous ses habitants.

    Cette volonté implique un changement de paradigme et appelle à une reconsidération des pratiques, des valeurs et des attitudes humaines envers le monde vivant (plantes, animaux, écosystèmes…). Comment mettre en place cette vision plus intégrative ? Comment réévaluer la place et le rapport que nous entretenons avec le monde naturel ?

    Nous avons choisi d’explorer ce vaste sujet sous trois angles : l'entreprise, la santé et l’aménagement du territoire, en réunissant un panel d’intervenants aux expériences complémentaires.

    Le sociologue des organisations Frantz Gault, qui a rédigé l’ouvrage « La nature au travail : collaborer autrement avec le vivant », introduira la réflexion et le débat au niveau du monde de l’entreprise.

    Par ailleurs, nous aborderons notre conception de la santé en lien avec la nature et son évolution, grâce notamment au concept One Health qui aborde conjointement les enjeux de santé humaine, animale, végétale et des écosystèmes. Considère-t-on la nature comme une source de risque ou au contraire, de bien-être ?

    Enfin, notre cohabitation avec les fleuves sera évoquée à travers deux projets : le projet Sambre, qui a pour objectif l'obtention de la personnalité juridique pour la rivière Sambre, et le projet de réaménagement du territoire autour de la Vesdre suite aux inondations de juillet 2021.

    Rejoignez-nous pour cette soirée inspirante à l'occasion de laquelle nous réfléchirons ensemble à la construction d'un monde durable pour tous les vivants !

    Programme de la soirée :
    • 17h30 : Accueil
    • 18h-20h : Rencontre-conférence
    • 20h : Drink


    Les échanges seront modérés par Virginie Xhauflair (Professeure, Centre d'Économie Sociale, HEC Liège), Christophe Schoune (Journaliste, Imagine Coop) et Delphine Buchet (LIEGE CREATIVE).