Vers une comptabilité adaptée au renouvellement de l’environnement
Résumé
Pauline Rodberg, chercheuse à l’UCL, lauréate 2022 du HERA Award Sustainable & Responsible Finance, a entamé la discussion par cette question : « Pourquoi l’impact sur l’environnement ne se retrouve dans aucune théorie liée à la comptabilité ? ». Actuellement, seule la comptabilité financière est obligatoire à l’ensemble des entreprises dans le monde mais on remarque que son utilisation a engendré de nombreuses conséquences néfastes pour notre société car la manière dont elle est conçue engendre différentes externalités.
En effet, il n’y a pas de prise en compte des externalités négatives car cela n’impacte pas le capital financier. L’épuisement des ressources naturelles, par exemple, ne se répercute pas dans les chiffres de la société.
Par exemple, si une entreprise pollue une rivière, elle n’a pas besoin de payer pour la dépolluer puisque la rivière n’appartient à personne. L’entreprise fait donc du profit tout en dégradant l’environnement.
A l’inverse, les salaires des employés sont considérés comme des charges qui plombent le profit de l’entreprise. Celle-ci est donc incitée à réduire ses charges salariales ce qui conduit notamment à la délocalisation ou l’externalisation des charges salariales dans d’autres pays et c’est la société qui en pâtit.
L’idée serait donc, avec la méthode CARE d’inclure les enjeux sociaux et environnementaux au sein même des états financiers de l’entreprise pour avoir un seul et même référentiel. Cela permettrait de rendre l’économie plus durable.
CARE met à égalité les trois capitaux essentiels à la survie d’une entreprise : financiers, humains et naturels, en les enregistrant au passif des bilans comptables, et en ayant comme objectif qu’ils soient reconnus comme des dettes à honorer.
En conséquence, une organisation ne pourrait calculer son profit qu'une fois le "remboursement" de sa dette écologique, humaine et financière garanti.
Quels seraient les éléments clés de cette méthode :
- Les capitaux financiers et extra-financiers ne peuvent être compensés entre eux.
- La comptabilité CARE s’inscrit en double matérialité.
- Il n’y a pas de financiarisation des éléments extra-financiers, c’est-à-dire que l’on ne donne pas de prix à l’humain ou la nature.
- Les impacts positifs et négatifs sont pris en compte au sein des états financiers.
Quels seraient les avantages pour les entreprises ?
- Vérifier la soutenabilité de son modèle économique. Autrement dit, mettre en lumière les actions compatibles avec la préservation de l’environnement.
- Orienter la réflexion stratégique grâce aux outils classiques de gestion (bilan, compte de résultats, etc).
- Structurer la démarche RSE, en prioritisant certaines actions en fonction de leur état de dégradation.
- Chiffrer un plan d’action en traduisant le plan RSE en plan monétaire détaillé.
- S’assurer que les indicateurs choisis sont adéquats (CARE travaille avec des indicateurs scientifiques respectant les bons états écologiques).
- Anticiper les regulations, l’Union européenne à travers son objectif de neutralité carbone en 2050 renforce les régulations (Taxonomie, CSRD).
- Etendre sa propre comptabilité financière traditionnelle, CARE fonctionne avec les mêmes principes comptables (ex : amortissements)
En ce qui concerne les inconvénients de cette méthode, ce qui pourrait freiner les entreprises à l’implémenter serait:
- Le temps de mise en place.
- La difficulté de définir des capitaux
- La notion d’expérimentation
- Le profit financier réduit
- La centralisation des données
- Le manque de reconnaissance politique et publique
- Les risques et les incertitudes
- Le peu d’organismes pour l’accompagnement
- La demande inexistante pour la mettre en oeuvre
- L’opérationnalisation
- Le manque de moyens financiers en interne ainsi qu’un manque de subside.
Bien que prometteuse, l’implémentation de la comptabilité CARE est ralentie par plusieurs freins. C’est sur ceux-là qu’il faut travailler pour faire évoluer le modèle !
Néanmoins CARE devient intéressante quand il s’agit de valoriser des actions concrètes qui contribuent réellement au développement durable.
Par exemple, en France, récemment, une entreprise s’est lancée dans l’implémentation CARE. Après avoir obtenu un bilan médiocre, elle s’est présentée à la banque de France qui a revalorisé l’entreprise de 60% car elle la considérait comme plus durable et avec moins de risques.
Baptiste Fosseprez, Chef de la Direction de l’entreprise PEPITe, a ensuite expliqué leur souhait d’inclure les enjeux sociaux et environnementaux dans le pilotage de leur entreprise.
Avec plus de 20 ans d'expérience, PEPITe fournit des outils, des compétences et des connaissances d'analyse avancée pour réduire l'impact environnemental des processus de fabrication en les rendant plus efficaces et plus sobres.
Actuellement PEPITe envisage d’implémenter la méthode CARE en interne mais cela reste difficile à plusieurs niveaux. En effet, comme Pauline Rodberg l'a souligné précédemment, s’y investir nécessite d’y consacrer du temps et de l’argent.
Néanmoins cette méthode permet de nourrir la réflexion stratégique et d’aider à faire des choix. De plus, elle précise des mesures à entreprendre qui sont simples à utiliser en interne.
Sebastien Menu, Administrateur délégué de Broptimize, a poursuivi l’échange en abordant l’histoire de leur entreprise au travers du prisme de leur client. Ils guident les entreprises dans la gestion de leurs besoins énergétiques.
Ils se sont d’abord intéressés à l’achat d’énergie avant de se diversifier dans d’autres domaines de compétences comme un bureau d’expertise marché, bureau d’études techniques ou encore un suivi de performances et de pilotage.
On passe donc d’une approche énergétique à une question environnementale beaucoup plus large. Cette méthode permet de mieux prendre conscience des risques et des opportunités. On remarque que les entreprises qui s’axent autour de choix écologiques sont celles qui se portent le mieux. D’ailleurs, à terme, il faut savoir que les futures entreprises qui ne s’inscriront pas dans les critères environnementaux, sociaux et de gouvernances (ESG) ne seront pas pérennes.
Les entreprises sont désormais prêtes à investir pour cela.
Les modes de pensées changent vite et c’est encourageant ! Cela mettra du temps car cela nécessite une réforme fiscale inexistante aujourd’hui.
Si vous voulez vous engager dans la transition, la comptabilité CARE est un bon outil même s’il reste beaucoup de travail à faire dans les processus à employer et dans les mentalités à faire évoluer.
Retrouvez ci-dessous les slides de la présentation :
Vers une comptabilité adaptée au renouvellement de l’environnement from LIEGE CREATIVE
Annonce
De plus en plus d’entreprises se posent la question de savoir si leur modèle d’affaire est viable tout en s’inscrivant dans les limites planétaires.
Parmi les instruments de mesure propices à cet objectif, nous retrouvons la Comptabilité Adaptée au Renouvellement de l’Environnement, dit le modèle CARE. La particularité de ce référentiel comptable est d’ajouter au traditionnel bilan comptable financier, un bilan sur le capital humain et un autre sur le capital naturel, afin de s’inscrire dans la transition sociale et écologique des entreprises.
Comment amorcer une comptabilité soutenable sur le long-terme ? Comment repenser la comptabilité de votre entreprise sur des bases écologiques ?
Cette rencontre-conférence sera l’occasion d'en apprendre davantage sur la méthode CARE, comment elle peut éclairer et guider vos projets et quels en sont les premiers pas.