Vers un écosystème unique en Wallonie pour l’innovation dans le secteur aéronautique

Les enjeux actuels dans le marché de l’aéronautique, avec notamment l’objectif européen de la neutralité carbone en 2050, amènent les constructeurs à revoir en profondeur les architectures des machines propulsives. Cette refonte, dans la conception et dans les choix technologiques considérés, implique, d’une part, de développer des nouvelles méthodes de modélisation plus fiables et plus efficaces et, d’autre part, de valider ces développements via des essais à échelle réelle.

Olivier Servais Directeur Général de BeCOVER, créé en 2021, a d’abord présenté ce nouveau centre d’essais, qui offre des conditions uniques en Wallonie et même en Europe, nécessaire dans le contexte de changement du secteur de l’aéronautique pour apporter des réponses aux besoins des industriels. Il a aussi souligné la volonté de BeCOVER de tisser un maximum de collaboration avec les académiques.

L’actionnariat de BeCOVER est principalement public : Wallonie Entreprendre, la Société Fédérale de Participations et d’Investissement et Safran Aero Boosters, ce dernier comptant pour 25%.

Olivier Servais a partagé quelques données techniques, notamment par rapport aux applications du banc d’essais qui permet, entre autres, de travailler sur des compresseurs basse et haute pression de différentes dimensions (Safran étant leader sur le compresseur basse pression), et de les tester dans tout type de configuration.

L’architecture des moteurs change énormément aujourd’hui et le compresseur est un des modules le plus impacté. Il faut donc réinventer de nouvelles machines et technologies. Le centre d’essai BeCOVER sera ouvert à tout client. Le but est aussi de suivre les futures évolutions des architectures et de pouvoir tester les futures machines pour l’ensemble des acteurs du secteur.

Le banc d’essais permet des tests dans des conditions représentatives (il peut simuler les conditions d’altitude par exemple) et ainsi de valider les modèles et de réduire les risques.

La gamme actuelle concernerait les moteurs civils (aviation commercial) et militaires (Défense belge notamment) mais une diversification a déjà été envisagée. BeCOVER permettra de renforcer l’écosystème wallon, belge voire encore à une plus grande échelle. Il a été créé dès la départ en collaboration avec le monde académique.

Olivier Servais a ensuite montré une vidéo de présentation du banc d’essais. Pour la regarder, c'est ici.

Il a mis en avant certains aspects durables et écologiques du projet comme l’intégration d’une boucle fermée (à la place d’un extracteur), le fait que l’entièreté du centre d’essais soit recouverte de terre, ce qui permet de favoriser la biodiversité sur le site.

Il a également détaillé le processus du banc d’essais. Ce dernier est de grande dimension (le plus grand possible permis par le projet) afin de pouvoir s’adapter à l’évolution de l’architecture de demain, sans être bloqué par le génie civil.

En résumé, le banc permet déjà de faire pas mal de choses : tester des compresseurs haute et basse pression, simuler des conditions d’altitude, de pression et de température, disposer d’une grande disponibilité d’espace pour s’adapter au futur. Des améliorations ont déjà été prévues à court terme, ainsi qu’une diversification (applications de soufflerie, marché des turbines à gaz…) afin d’assurer la pérennité des installations.  

Actuellement les travaux sont terminés depuis juin 2023 et la prochaine étape est de commencer à installer les équipements (en cours de fabrication), avant un premier essai mi-2024.

Enfin, BeCOVER est désireux de collaborer avec le monde académique à travers plusieurs piliers :

• L’éducation : que BeCOVER soit utilisé dans les cursus, en donnant accès à des outils uniques, le développement de thèses, des stages ;
• La recherche : s’intégrer dans des projets de recherche ou les initier (mais cela nécessite de trouver des financements) ;
• Les services : BeCOVER souhaite se concentrer sur la partie essai et ne pas redéployer ce qui existe par ailleurs en termes d’offre de services annexes (modélisation, design, analyse des résultats, etc.), et pour cela s’appuyer sur le réseau local (qui comprend l’université).

Koen Hillewaert, Chargé de Cours Design of Turbomachinery (Faculté des Sciences Appliquées, A&M, ULiège) a ensuite pris la relève pour expliquer les questions et défis auxquels son équipe et le secteur de l’aéronautique sont confrontés en matière de futures architectures d’aéropropulseurs et les opportunités dues à la création de BeCOVER. Afin de gagner en efficacité, on doit augmenter la taille du fan (ou hélice) ce qui implique de découpler la vitesse de rotation de ce fan du reste du moteur. Cela demande de redesigner tout le moteur (toute l’aérodynamique change).

Les nouveaux éléments à prendre en compte dans la conception demandent une amélioration des modèles de simulation, des problèmes de robustesse du calcul, de la validation des méthodes de calcul… C’est là que BeCOVER a un rôle important car il permet de valider les calculs grâce à une méthode réaliste.

Il y a beaucoup de challenges au niveau de la recherche mais aussi beaucoup de compétences en Wallonie : BeCOVER, Safran Aero Boosters, le Pôle Skywin, ULiège (spécialisée dans la simulation numérique des structures et fluides, dans le développement de nouvelles méthodes de simulation de plus en plus précises, dans la simulation de vibromachines, et à travers sa formation et ses thèses), Cenaero (industrialisation de simulation technique et optimisation), l’Institut von Karman (recherche expérimentale dans le domaine des turbomachines, moyen d’essais dans des types de calculs à simuler). Toutes ces compétences sont complémentaires et collaborent, ce qui permet une vue plus holistique.

Koen Hillewaert a ensuite expliqué pourquoi le besoin de moyens de calculs est très important et ce qu’apporte la collaboration avec Cenaero, pour étudier notamment les vibrations et turbulences des machines afin de développer des modèles plus pratiques et plus précis (pour l’instant les modèles ne sont pas complètement corrects). Ces études impliquent aussi un besoin de données obtenues par simulation ou bancs essais (comme BeCOVER).

En conclusion, il a souligné l’importance de poursuivre la recherche collaborative et le véritable intérêt à travailler avec BeCOVER en trois points :

• Le changement radical dans l’architecture des machines nécessite un redéveloppement/une réadaptation (travail énorme) qui impliquent une amélioration des outils de conception, des approches et à terme une meilleure compréhension des flux turbomachines.
• La situation en Région wallonne est favorable pour la création d’un vrai pôle de compétence en turbomachine (nombreuses compétences et acteurs complémentaires, éducation spécialisée, Région wallonne supportive…).
• Avec la création de BeCOVER, on a une installation unique qui permet de couvrir tout le spectre des activités de recherche (ce qui est aussi un avantage compétitif).

Retrouvez ci-dessous les slides de la présentation :