Orateur(s)
Jonas Lambert Architecte de Recherche, Building Energy Monitoring and Simulation (Arlon Campus Environnement, ULiège)
Thomas Chevau Directeur du Développement Immobiler (Noshaq)
Remy Balegamire Project Manager (Cluster Tweed)
Cathy Crunelle Segment Manager - Renewables, Storage & Decentralized Flexibility (LABORELEC-Engie)

Un projet urbain mixte au cœur de Liège : l’expérience Madeleine 4.0

En partenariat avec Noshaq
    Résumé

    Le projet Madeleine 4.0, situé dans le District Créatif de Liège (regroupement de projets situés dans le quartier Cathédrale Nord), a servi de laboratoire vivant pour l'implémentation d'une opération de partage d'énergie locale en Wallonie, illustrant les défis et les opportunités de la transition énergétique en milieu urbain.

    Thomas Chevau, Directeur du Développement Immobilier chez Noshaq, a expliqué que l'immobilier est un vecteur transversal pour le groupe, permettant d'accueillir des sociétés dans des infrastructures adaptées à leurs besoins. Le projet Madeleine s'inscrit dans cette logique de transition territoriale et de revitalisation urbaine. Les développements immobiliers de Noshaq sont axés sur trois priorités, dont le projet Madeleine fait partie : les infrastructures écosystémiques répondant aux besoins du groupe.

    Le projet développé est mixte, accueillant du commerce au rez-de-chaussée, près de 3000 m² d'espaces de bureaux, et 16 logements, incluant six penthouses. L'investissement total de Noshaq (22 millions d’euros), bien qu’il ne soit pas rentable d'un point de vue économique traditionnel - l'équilibre étant attendu dans 17 ans - répond à un rôle sociétal, s'inscrivant dans une logique d'impact sur le quartier, agissant comme pionnier pour attirer d'autres opérateurs privés.

    La volonté initiale d'installer des panneaux photovoltaïques s'est heurtée à la surface réduite de la toiture, soulevant également la question de la répartition de l'énergie produite entre les différentes fonctions (bureaux, logements équipés de pompes à chaleur, commerces), ce qui a conduit à la collaboration avec le Cluster Tweed dans le cadre du projet d’expérience pilote Amorce, dont les partenaires incluent Laborelec (Engie), HEC Liège, Multitel, et l'ULiège.

    L'étude de faisabilité technique qui a précédé le choix d'une communauté d'énergie a été présentée par Cathy Crunelle, Segment Manager chez LABORELEC-Engie. Son travail s'est concentré sur l'identification du potentiel technique des communautés d'énergie renouvelable (CER) en Wallonie. LABORELEC, centre de recherche appliquée faisant partie du groupe Engie, se focalise sur l'entièreté de la chaîne de valeur de l'énergie électrique.

    L'étude a utilisé une approche d'ingénieur pour quantifier le potentiel technique via quatre configurations réalistes - immeuble d'appartement, urbain, périurbain, rural - représentant la diversité de la Wallonie. Les indicateurs clés retenus étaient la durabilité (autoconsommation et autosuffisance) et l'impact sur le réseau de distribution (pics d'injection/prélèvement et stabilité en tension). L'étude s'est projetée à l'horizon 2030, en faisant des hypothèses sur la pénétration solaire (un bâtiment sur trois équipé) et l'augmentation des véhicules électriques (un ménage sur quatre).

    Un résultat clé est que le partage de l'énergie au sein d'une communauté favorise l'installation de production renouvelable locale, permettant d'installer plus de PV que dans un mode "chacun pour soi". De plus, l'intégration de VE augmente l'autoconsommation et l'autosuffisance, surtout lorsque l'on passe au smart charging. L'ajout de flexibilité est indispensable pour permettre une amélioration des pics de prélèvement ou de la stabilité de tension sur le réseau, sans toutefois pouvoir garantir son côté systématique, car dépendant des circonstances locales. Aussi, l'optimisation collective de la recharge des VE (smart charging collectif) est préférable d'un point de vue technique, bien que le gain individuel puisse en être légèrement diminué.

    Sur le plan régulatoire et économique, Remy Balegamire, Project Manager au Cluster Tweed, a souligné que le concept des communautés d'énergie est issu d'un cadre européen transposé régionalement en Belgique. En Wallonie, le cadre légal est entré en vigueur en mars 2023 via un AG, mais le projet Amorce s'est développé sous dérogation (avant l’apparition du cadre légal). La Wallonie distingue trois types d'activités de partage, dont les communautés d'énergie renouvelable (CER) et les activités de partage au sein d'un même bâtiment (autoconsommation collective).

    La mise en place d'une CER est confrontée à une lourdeur administrative : l'introduction d'un dossier peut prendre en moyenne deux mois et demi, une procédure jugée complexe par rapport à la simple notification en Flandre ou à Bruxelles. Un autre obstacle majeur est la tarification : en Wallonie, il n'y a pas de réduction des frais de réseau pour les participants aux communautés d'énergie, justifié par l'absence d'avantage immédiat pour le GRD en termes de réduction des coûts d'investissement.

    Ces défis expliquent, selon Remy Balegamire, le faible taux de réussite : on ne compte que 8 communautés d'énergie officiellement acceptées en Wallonie, contre 30 à Bruxelles et 101 en Flandre. Parmi les autres challenges, un rapport de la CWaPE mentionne le manque de mesures de support, la faible participation des grandes entreprises (exclues du contrôle des CER), et la vulnérabilité des clients perdant leur droit au tarif social. Néanmoins, une valeur économique se crée dans la communauté par la revalorisation de l'énergie produite localement, vendue à un prix plus avantageux aux participants qu'elle ne le serait si elle était injectée sur le marché.

    Jonas Lambert, Architecte de Recherche au sein du laboratoire BEMS – ULiège, a présenté les aspects liés à l'implémentation et aux résultats concrets du Living Lab Madeleine. Il a noté que l'un des facteurs de succès du projet Madeleine a été d'avoir un interlocuteur unique (Noshaq) avec des compétences, simplifiant grandement la mise en place de cette nouvelle démarche.

    Le processus administratif pour une opération de partage au sein d'un bâtiment est plus simple qu'une CER, car une association de fait est suffisante, évitant la nécessité de créer une personne morale en amont. Et de recommander fortement la désignation d'un gestionnaire de communauté et l'utilisation d'outils numériques pour la comptabilité par quart d'heure et la rentabilité de l'opération.

    Concernant Madeleine, après de nombreuses simulations, l'équipe a fait le choix de ne conserver dans l'opération de partage que la partie bureaux, les parkings avec bornes de recharge, les six penthouses, et les communs. Ce scénario s'est avéré le plus optimal, permettant de vendre l'énergie partagée à un prix 30% inférieur au prix du marché.

    Le modèle technique retenu consiste à injecter l'entièreté de la production photovoltaïque sur un compteur d'injection, puis à la partager au sein de l'opération. Les résultats réels, disponibles depuis 2024, montrent un taux d'autoconsommation réel de 88%, proche des simulations théoriques (90%), un chiffre considéré comme très satisfaisant. Sans le partage d'énergie, le taux d'autoconsommation aurait été d'environ 17% pour les penthouses équipés, illustrant l'importance du mécanisme collectif. Toutefois, des difficultés subsistent, notamment le manque de valorisation de ce mécanisme dans la certification PEB, et les défis avec les fournisseurs d'énergie résiduelle qui doivent adapter leurs processus de facturation pour tenir compte des taxes et des surtaxes appliquées aux participants.

    Malgré un avantage financier qui peut être faible ou s'équilibrer seulement après une douzaine d'années par rapport à un investissement individuel, le modèle de partage d'énergie reste attractif en milieu urbain pour les consommateurs non producteurs, car il leur permet de bénéficier d'une énergie locale à un prix stable sans les contraintes d'investissement et de gestion.

    Le projet urbain mixte Madeleine 4.0, en plein cœur de Liège, fait office de projet pionnier à plus d’un égard.

    Composé de commerces (610 m2), de bureaux (2240  m2) et de 16 unités d’habitations, il est également équipé de plus de 60 kWc de panneaux photovoltaïques. Ceux-ci doivent assurer une utilisation collective de l’énergie par les différents occupants du bâtiment.

    La mixité des usages se prête particulièrement au partage d’énergie, les besoins des uns et des autres étant naturellement complémentaires. Ainsi, le dispositif pourrait couvrir jusqu’à 30% de la consommation électrique du bâtiment.

    Une manière de désengorger le réseau électrique, d’encourager l’autoconsommation collective et de profiter collectivement de tarifs avantageux.

    La rencontre-conférence permettra d’appréhender les aspects novateurs du projet immobilier dans sa globalité, depuis l’opportunité d’une rénovation urbaine mixte jusqu’au modèle innovant de copropriété reposant sur le partage d’énergie.


    Cette conférence est hébergée chez Digilearn Studio by Forem, dans le cadre de notre partenariat avec Noshaq.

    Objectifs de Développement Durable