Orateur(s)
Aurore Margat Maître de conférences en Sciences infirmières (Université Sorbonne Paris Nord)
Jeremy Dagnies Chargé de cours en sciences politiques et sociales (UCLouvain)
Lara Vigneron Fondatrice (Yuza)

Rencontre-conférence en ligne

Santé : comment augmenter les capacités et compétences des patients ?

    Résumé

    Cette rencontre sur l’éducation en santé du patient s’inscrit dans la lignée de notre rencontre-conférence « De l’art de guérir à l’art de prévenir... Réinventer la relation patient-soignant » qui s’est tenue le 12 octobre dernier, à l’Hôpital de la Citadelle. Elle a pour objectif de mettre en avant plusieurs moyens d’action auprès des patients et citoyens afin d’augmenter leurs capacités et compétences en matière de santé.

    [5:07] Aurore Margat, Maître de conférences en Sciences infirmières à l’Université Sorbonne Paris Nord, a démarré la rencontre avec un petit sondage pour introduire le concept d’intelligibilité, dans le cadre spécifique de la pratique médicale, et les deux barrières qui doivent être franchies pour comprendre un message ; celle des mots et celle du sens.
    La littératie en santé (LS) recouvre, selon la définition de l’OMS (2015), « les caractéristiques personnelles et les ressources sociales nécessaires des individus et des communautés afin d'accéder, comprendre, évaluer et utiliser l'information et les services pour prendre des décisions en santé ».

    [10:42] Après avoir donné quelques exemples des conséquences d’un faible niveau de LS sur l’autogestion des maladies chroniques, Aurore Margat a questionné notre offre éducative pour qu’elle soit mieux adaptée aux compétences en littératie des personnes et a présenté des propositions d’interventions favorables à la promotion de la littératie en santé :

    • Adosser les actions à des politiques intersectorielles en contribuant au développement de la littératie en santé tout au long de la vie, en veillant à réduire les inégalités sociales et en prenant en compte la pluralité des champs d’intervention. Il est aussi indispensable de penser évaluation et réussite des actions.
    • Concevoir les actions en favorisant la participation active des personnes, en cohérence avec les principes d’émancipation et d’empowerment, en associant en priorité les personnes les plus susceptibles de présenter de faibles niveaux de littératie en santé, en prenant appui sur les connaissances et les expériences des personnes et en accompagnant les dispositifs d’actions communautaires.
    • Créer des environnements favorables à la compréhension de chacun (approche collective, structurelle).

    Plusieurs moyens d’action ont également été communiqués :

    • Faciliter l’accès aux informations en santé et aux parcours au moyen d’interventions « simples » (voir ci-après) ;
    • Proposer des interventions d’éducations en partant des savoirs expérientiels et les ressources des personnes ;
    • Former à la LS des intervenants des champs social et médical ;
       

    [19:10] Elle s’est ensuite focalisée sur les interventions spécifiques ou simples qui facilitent la compréhension des informations en santé : simplification du discours médical (outil de la Teach Back method : expliquer, faire reformuler, réexpliquer), des documents écrits, des données chiffrées (par l’utilisation de supports multimédia et d’images).
    Aurore Margat a aussi souligné l’importance de conjuguer les approches : la LS individuelle, la LS au sein des populations (notion de Public Health Literacy) et la LS organisationnelle.
    C’est la complémentarité des approches qui permet de changer le regard porté sur la LS, en considérant le processus plutôt que les seules capacités des personnes. Il s’agit d’accompagner les personnes en se centrant sur leurs forces et les opportunités de l’environnement.

    [26:33] Elle a conclu son intervention avec les 4 points clés à intégrer dans l’éducation à la santé :

    • l’intersectorialité et la pluriprofessionnalité ;
    • l’engagement et soutenir les actions communautaires ;
    • la co-construction d’environnements favorables ;
    • la prise en compte de publics prioritaires (champ de la périnatalité et de la petite enfance), notion de « parental health literacy ».
       

    [28:10] Jeremy Dagnies, Chargé de cours en sciences politiques et sociales à l’UCLouvain, a ensuite mis la LS à l’épreuve des fractures numériques. Il a parlé de la théorie du comportement planifié et de l’impact de l’environnement social, des compétences et de l’accès à l’information qui permettent aux individus de développer des croyances qui vont influencer leur comportement et guider leurs choix.
    Dans le passé (30-40 ans), il y avait un certain contrôle du secteur de la santé avec un accès moins facile à l’info et l’autorité médicale était plus acceptée. Aujourd’hui, avec l’arrivée de l’informatique et d’internet, l’ensemble de la population a accès à des milliers de données à caractère médical. De nombreux exemples d’applications liées à la santé ont été cités : télémédecine, prise de rendez-vous en ligne, plateformes de pharmacies en ligne avec livraison à domicile, sites de conseil et de vulgarisation médicale, vidéos en ligne de spécialistes (ou de personnes qui se revendiquent comme tels), réseaux sociaux comme TikTok sur lesquels de nombreuses fausses informations circulent... Notons aussi l’essor des groupes de discussion sur les réseaux sociaux pendant la crise sanitaire (liés au Covid et au vaccin).

    [38:42] La LS étant donc étroitement en lien avec les fractures numériques, Jeremy Dagnies a présenté les 15 types de fractures identifiés : le hardware (disposer d’équipements informatiques), l’accès à l’énergie (pour alimenter l’appareillage), l’accès aux réseaux de télécommunication, le software (avoir accès à des applications et logiciels numériques), les données (accès et qualité), la sécurité (en ligne), les facultés physiques (ou mentales), les compétences techniques, les compétences informationnelles (capacité à chercher, comprendre, évaluer), les compétences stratégiques (capacité à faire un bon usage), le capital social (dans le monde numérique vs le monde réel), l’utilisation saine du numérique, les relations humaines (isolement), la résilience technologique (capacité à atteindre ses objectifs même sans l’usage de solutions digitales), le libre arbitre (capacité à penser par soi-même vs intelligence artificielle).

    [1:01:32] Il a terminé son exposé en expliquant que ces 15 points pouvaient être intégrés pour définir le profil d’un patient et a donné 7 pistes d’actions à approfondir pour avancer en LS.

    [1:06:25] Pour finir, Lara Vigneron, Fondatrice de Yuza, a brièvement présenté le travail réalisé dans le cadre du projet de développement de technologies en santé, Teckno 2030 in Action, soutenu par la Fondation Roi Baudouin et regroupant 11 partenaires. Les 8 principes directeurs du projet pour guider le développement, la sélection et l’usage de technologies en santé sont :

    • Besoin et autonomie des citoyens ;
    • Éducation et inclusion des citoyens ;
    • Ouverture et intégration des technologies ;
    • Participation et gouvernance partagée ;
    • Transparence et clarté de l'information ;
    • Évaluation et qualité des solutions ;
    • Propriété et sécurité des données ;
    • Cohérence avec les politiques et le cadre sociétal.
       

    Elle a abordé la boîte à outils méthodologiques développée à destination des citoyens, professionnels de la santé et concepteurs de technologies dont ; le jeu de cartes « Cards for Humanity », un outil d’explicabilité de l’IA et les critères d’évaluation pour un système de remboursement des technologies de santé mobile en Belgique.

    Retrouvez ci-dessous le replay et les présentations de cette rencontre :

    Quel est le rôle du patient dans la médecine de demain ? L’évolution des soins de santé tend à placer ce dernier au centre de la structure et à le considérer comme un acteur de sa santé à part entière.

    Comment faire en sorte que chacun puisse développer les compétences nécessaires à ce nouveau positionnement ? D’abord, développer la littératie en santé* à un niveau individuel et collectif permettrait aux citoyens d’être plus autonomes et mieux capables de s’orienter dans notre système de santé complexe. Les éducations en santé auraient ici un rôle à jouer, en adaptant leur offre aux compétences en littératie des personnes.

    Ensuite, le développement de nouvelles technologies et la numérisation des usages dans le secteur de la santé constituent de réelles opportunités pour mieux sensibiliser, diagnostiquer, traiter et suivre les patients/citoyens. Cependant, comme dans d'autres secteurs, elles s'accompagnent de certains risques et de questions éthiques qu'il convient d'identifier et de gérer. Certaines fractures numériques sont, par exemple, susceptibles de diminuer voire d'annihiler les bénéfices offerts par la technologie.

    Aussi, le point de vue des patients est essentiel à la mise en place d’un véritable processus d’empowerment. Ces derniers peuvent également être à la source d’innovation.

    Après notre rencontre-conférence « De l’art de guérir à l’art de prévenir … Réinventer la relation patient-soignant », ce nouveau rendez-vous mettra en avant plusieurs moyens d’action auprès des patients et citoyens afin d’augmenter leurs capacités et compétences en matière de santé.

    *la littératie en santé désigne la capacité d’un individu à trouver de l’information sur la santé, à la comprendre et à l’utiliser dans le but d’améliorer sa propre santé ou de développer son autonomie dans le système de santé.


    Les rencontres-conférences en ligne sont gratuites pour les membres de la Communauté ULiège et pour les partenaires de LIEGE CREATIVE.

    Pour les autres participants, le montant de 10€ est à verser sur le compte BE02 3401 5581 1340 au plus tard 48h avant la conférence avec, en communication : le nom du participant et la date de la conférence.

    Le lien d’accès vous sera envoyé le matin de la conférence.
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