Regards croisés sur l’implication des usagers dans les processus d'innovation
Résumé
Ce midi, la rencontre portait sur les démarches d’innovation impliquant les usagers. Nous accueillions deux intervenants, riches d’une belle expérience en tant que praticiens mais aussi reliés par leur parcours scientifique. En croisant leurs regards, le but de l’échange était bien de prendre un peu de recul sur ces dispositifs et de se demander « pourquoi » impliquer les usagers dans des processus d’innovation inclusifs.
La rencontre s'est tenue au Labs qui abrite notamment les activités du WeLL (le living lab wallon en santé). Non représenté finalement pour cause de maladie, le living lab a été largement évoqué au travers des différentes prises de parole.
Dans son intervention, Olivier Wathelet, anthropologue indépendant, relève qu’on se trompe fréquemment quant à l’intérêt des démarches inclusives. Selon lui, leur principal bénéfice porte davantage sur le fait de faire aboutir une bonne idée plutôt que de trouver « la bonne idée ». Il s’agit donc de concevoir l’utilité de ces démarches à tous les stades vers la concrétisation d’une idée (même en aval, pour vérifier les hypothèses) et non exclusivement à la source pour idéer.
Evoquant les enjeux de la démarche, il pointe encore la nécessité de créer une vraie relation de confiance avec les utilisateurs, d’aller aussi chercher des usagers non identifiés au départ (usagers indivisibles) et l’importance de prendre en compte l’environnement. Concernant cet aspect, Olivier Wathelet souligne qu’on néglige trop souvent la variété des situations d’usage alors qu’on privilégie surtout la variété des profils d’usagers. Selon lui, les deux doivent être pris en considération.
Pierre Delvenne intervient en tant que chercheur qualifié FNRS (ULiège) et co-fondateur des entreprises Mesydel et TagData. Son travail de chercheur l’a confronté à de nombreuses démarches d’inclusion ou participatives. Dans son approche, science et innovation sont notamment attachées à des questions politiques. C’est sous ce spectre qu’il nous a fait part de son point de vue. Ce faisant, il évoque plusieurs tensions inhérentes à ces processus dont il a analysé et accompagné la mise en place (notamment au sein de living labs). Parmi ces tensions, notons celle qui considère que, si l’on veut des évolutions robustes, il faut impliquer le plus tôt possible les usagers - alors ils peuvent encore façonner le produit, mais qu’ils n’en ont qu’une vision parcellaire. Tandis qu’en les impliquant plus tard, ils ont une approche plus globale du produit et peuvent intervenir dans un but de validation. Mais à ce stade, beaucoup d’options ont alors d’ores et déjà été prises… Autre tension qui interpelle : l’injonction à la créativité. Un paradoxe largement répandu aujourd’hui selon lequel on considèrerait que la créativité se décrète !
Aussi, de quelle valeur parle-t-on ? Symbolique, économique, sociétale, … Une vaste question presque idéologique et intimement liée au prisme sous lequel le chercheur observe les démarches qui placent les usagers au cœur de dispositifs innovants…
L’échange qui a suivi a permis d’interroger encore différentes facettes de ces démarches dont leur coût, l’évolution du cadre juridique, les contexte B2B, l’évolution des pratiques au sein des living labs après quelques années d’implémentation, le rôle des influenceurs...