Orateur(s)
Gilles Darcis Chargé de Cours (Faculté de Médecine, Sciences Cliniques et Sciences de la Santé Publique, ULiège)
Dominique Votion Professeur associé (Faculté de Médecine Vétérinaire, FARAH, ULiège)

Plantes invasives et maladies vectorielles : des enjeux de santé publique sous pression climatique

    Résumé

    Notre conférence ce midi portait sur les conséquences du réchauffement climatique sur notre santé, à tous (humains, animaux, environnement).

    En introduction à la séance, Nicolas Antoine-Moussiaux a rappelé l’initiative One Health déployée à l’Université de Liège qui vise, sur base de la reconnaissance de cet enchevêtrement des santés animale, humaine, environnementale - sols, forêt, eaux… à induire une approche qui repose sur la collaboration et l’interdisciplinarité.

    En toile de fond de cette rencontre-conférence, le changement climatique explique les évolutions que l’on constate au niveau de la prolifération de plantes invasives et de l’essor des maladies vectorielles.

    Dominique Votion, Professeur associé (Faculté de Médecine Vétérinaire, FARAH, ULiège) a commencé son exposé en évoquant ces changements qui se manifestent de différentes façons (écarts importants de température, températures records de plus en plus fréquentes, alternances de périodes de sécheresse et de fortes précipitations …).

    Faisant le lien avec le concept « one health », elle a exposé que les plantes invasives en perturbent les 3 piliers. En effet, les plantes invasives ont tendance à monopoliser beaucoup d’espace, perturbant la biodiversité. Certaines présentent des risques toxiques pour les herbivores. Ces plantes toxiques présentent également des risques pour les humains par ingestion directe ou indirecte.

    Vétérinaire, spécialisée dans les équidés, Dominique Votion nous a plus particulièrement intéressés aux impacts sur les herbivores, durant son exposé.

    Elle a attiré notre attention sur 2 plantes en particulier, qui méritent qu’on s’y attardent, car elles constituent des risques croissants d’intoxication : l’érable sycomore et les séneçons.

    L’érable sycomore, tout d’abord. Il est la cause de la myopathie atypique des équidés, maladie émergente identifiée en 2000 pour la première fois en Belgique. Cette affection environnementale, sévère (atteinte musculaire)  est fréquemment mortelle et touche les chevaux séjournant en pâture.

    La toxine est contenue dans le fruit (samares et plantules). Or, lorsque l’on sait qu’un arbre mature peut donner lieu à 800 inflorescences, pouvant produire plus de 24.000 samares assez volatiles, on comprend à quel point les risques sont grands.

    Au sujet des séneçons, les dangers concernent la santé au sens large. Madame Votion a mis en lumière que le problème avec la toxicité des séneçons tient au fait que la dose est cumulative. En d’autres termes, l’intoxication peut être atteinte avec des petites ingestions répétées dans le temps. Ainsi, les signes vont apparaitre plusieurs mois ou années après l’ingestion. Les intoxications aiguës arrivent aussi mais elles sont plus rares.

    Si les séneçons présentent un caractère toxique pour les animaux, c’est également le cas pour les êtres humains. Des aliments peuvent en effet être contaminés par des alcaloïdes (issus des séneçons). Notamment les produits animaux comme le miel (via les abeilles), le lait… La contamination du milieu peut aussi se faire par lavage, via les eaux de ruissellement. L'impact de cette contamination sur la santé reste à déterminer.

    Gilles Darcis, Chargé de Cours (Faculté de Médecine, Sciences Cliniques et Sciences de la Santé Publique, ULiège) a ensuite pris la relève de la présentation en se focalisant sur les maladies infectieuses transmises par des vecteurs.

    Le réchauffement et d’autres manifestations du changement climatique – y compris les modifications des précipitations (avec une augmentation des inondations dans certaines régions et des sécheresses dans d’autres) ont des implications importantes sur les maladies à transmission vectorielle en raison de leurs effets sur les agents pathogènes, les vecteurs et les hôtes, ainsi que sur notre capacité à prévenir et traiter ces maladies.

    Le vecteur le plus connu est le moustique. Il est également couramment reconnu comme étant le plus mortel (par exemple, le moustique « anopheles » à l’origine de la malaria). On parle aussi du moustique – tigre (« aedes mosquito ») de plus en plus présent en Europe, alors qu’on le trouve plutôt dans des zones tropicales. Citons également parmi toutes les maladies causées par le moustique, la dengue, le chikungunya ou Zika.

    Et de préciser que les effets du changement climatique sur les maladies infectieuses sont complexes et souvent difficiles à étudier, même si beaucoup de recherches sont menées pour anticiper du mieux possible, ses conséquences.

    Par exemple, l'augmentation des précipitations pourrait fournir davantage de sites de reproduction aux moustiques (qui se développent dans l’eau) ; mais par ailleurs, la sécheresse fournit également davantage de sites de reproduction étant donné les stockages d’eau effectués.

    De plus, si l’on considère les températures : selon l’endroit et selon le type de moustique, l’impact du réchauffement variera. Pour citer encore un exemple : le moustique aedes « tigre » , responsable de la transmission de la dengue, connait un pic de performance autour de 30 degrés. Ce type de moustique, dès lors, « profitera » davantage du réchauffement climatique ; et l’on peut craindre une explosion de la dengue dans certaines régions, s’il n’y a pas de vaccin développé d’ici là.

    D’où l’importance des études menées en laboratoire, jouant des variabilités de températures pour en observer les conséquences, avant de confirmer les données sur le terrain.

    Qu’en est-il en Europe, en Belgique et en France ? Le phénomène évolue…

    Tandis que le moustique aedes «  tigre »  est détecté en 2004 en un seul département de France métropolitaine, il a envahi toute la France en 2022. Il se trouve également aujourd’hui en Belgique. Est-ce suffisant pour qu’il puisse transmettre les maladies ? Il faut rappeler que pour ce faire, il lui faut une capacité vectorielle suffisante…

    Si on parle de transmission autochtone, on observe une tendance à l’augmentation de cas de dengue en France (surtout dans le sud de la France). Mais quelques nouveautés sont à signaler : des cas de dengue détectés en région parisienne, et des cas de transmission autochtone de chikungunya en 2024. Ainsi, la nouveauté, c’est qu’il y a des cas de transmission au nord alors que c’était au départ, plus dans le sud…

    Enfin, Gilles Darcis a évoqué les tiques. Comprenant environ 800 espèces, la majorité des espèces de tiques sont aujourd’hui encore sous-étudiées, il est donc impossible de discuter précisément de l'impact potentiel du changement climatique sur la plupart des espèces de tiques et les agents pathogènes qu'elles véhiculent. Néanmoins, il a illustré ses différentes évolutions avec la variabilité d’un temps sec ou très pluvieux…  Les tiques ne survivant pas au froid extrême ou à la dessication.  

    Le changement climatique a également un impact sur les hôtes "réservoirs" des tiques, qui migrent vers le nord. Par exemple, certaines espèces de rongeurs. Ce qui étend les zones de propagation de la maladie de Lyme, entre autres. Pour les prévisions futures, il faudra aussi prendre en compte le changement de comportement des humains, qui vont par exemple, se balader en short plus souvent sur l'année et augmenter potentiellement leur risque d’être en contact avec des tiques.

    Et de conclure sur l’importance de bien interpréter le changement climatique dans sa globalité ! Tout en insistant sur la difficulté, pour le monde de la recherche, de combiner toutes les données et variables pour obtenir des modèles prédictifs justes …

     

    Cette rencontre est à présent complète. Si vous souhaitez être inscrit·e sur liste d'attente, veuillez envoyer un e-mail à info@liegecreative.be.

    Le changement climatique bouleverse nos écosystèmes et entraîne des impacts sur la santé humaine et animale. Deux phénomènes illustrent particulièrement cette dynamique : la prolifération des plantes invasives toxiques et l’essor des maladies infectieuses transmises par des vecteurs comme les moustiques et les tiques.

    Qu'elles soient indigènes ou introduites accidentellement dans notre pays, les plantes invasives prolifèrent sous l’effet de divers facteurs, tels que le changement climatique ou la réduction de l’usage des pesticides. Certaines de ces espèces invasives exposent les animaux à des risques toxiques et peuvent également représenter un danger pour l’homme, par ingestion fortuite ou via la contamination de sous-produits animaux.

    Parallèlement, l'épidémiologie des maladies infectieuses telles que dengue, chikungunya, Zika ou encore la maladie de Lyme, qui ont pour point commun d'être transmises par des vecteurs hématophages (moustiques ou tiques), est fortement impactée par les modifications climatiques, notamment le réchauffement climatique et les modifications du régime des précipitations. Ainsi, certaines pathologies infectieuses autrefois purement tropicales commencent à émerger dans des régions plus tempérées.

    Cette conférence propose d’explorer ces enjeux à travers des exemples concrets et de donner des clés de compréhension pour appréhender ces défis sanitaires émergents et leurs impacts, et mieux les anticiper.


    Cet évènement contribue à l’initiative One Health de l’ULiège.

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