
Menaces et opportunités du développement de l’agrivoltaïque en Wallonie
Résumé
Cette rencontre-conférence avait pour objectif d’entendre des acteurs aux points de vue complémentaires et parfois divergents sur cette innovation technologique qu’est l’agrivoltaïque, tout en réfléchissant à la question de son acceptabilité.
Le Professeur Frédéric Lebeau (Gembloux Agro-Bio Tech, ULiège) a commencé son exposé en revenant sur les concepts de base et sur la définition de ce qu’est l’agrivoltaïsme (aussi appelé AgriPV ou agro/agriphotovoltaïque). Il s’agit d’une production conjointe d’énergie électrique photovoltaïque et de biomasse par la photosynthèse de productions agricoles sur une même surface. Frédéric Lebeau a rappelé que ce sont surtout les pays du sud (Italie, Sud de la France) qui ont, à l’origine, porté ce type de développement. Les structures photovoltaïques modifient l’irradiation (la fraction d’énergie radiative qui arrive au sol pour les cultures) et doivent tenir compte des différents types de sols et des paramètres d’évaporation et de température.
Cependant, comme la photosynthèse n’utilise pas 100% de l’énergie solaire, il est possible de trouver un compromis et ainsi d’augmenter l’efficience de l’utilisation des terres, un des objectifs de l’agrivoltaïque. Frédéric Lebeau a ensuite présenté les avantages attendus de cette synergie : favoriser le développement des énergies renouvelables dans un pays à forte pression foncière, mitiger les effets des évènements climatiques extrêmes, diversifier les revenus des agriculteurs…
Plusieurs modèles et combinaisons possibles d’agrivoltaïsme ont ensuite été présentés (à choisir en fonction de la localisation, du type de cultures et des conditions environnementales). Un des enjeux principaux pour le développement de cette innovation touche à la protection des terres agricoles. Il faut quantifier la limite acceptable pour préserver la fonction agricole en adoptant un cadre de référence.
Après avoir partagé les raisons qui expliquent pourquoi nous en serions à un momentum pour le développement de l’agriPV (prix de la technologie PV, objectif d’énergies renouvelables, électrification des usages…), Fréderic Lebeau a également partagé les questionnements légitimes que suscite cette innovation, principalement chez les agriculteurs, mais aussi chez les riverains, et du point de vue de l’aménagement du territoire (points que reprendra également Yves Vandevoorde).
Le Professeur a terminé en présentant les frameworks de modélisation sur lesquels travaille son laboratoire (Digital Energy & Agriculture Lab) et il a précisé qu’une communauté scientifique se structure pour réfléchir ensemble aux meilleurs modèles répondant à une série d’objectifs (de performance, de conception de solutions optimales, de limite de risques…).
Ensuite, Pierre de Liedekerke (fondateur d’EtherEnergy, PME qui vise à augmenter la transition énergétique avec un focus sur l’AgriPV) a débuté son exposé en livrant un état des lieux de l’agriculture en RW, où il regrette la circulaire actuelle du Ministère de l’Agriculture qui interdit le développement de l’AgriPV.
Constatant un manque d’informations précises sur le sujet (voire une mésinformation), Pierre de Liedekerke a exposé en « 7 différences » ce qui distingue un parc photovoltaïque de l’agrivoltaïsme, une pratique qu’il entend développer dans un grand respect et avec une prise en considération de chaque environnement spécifique, y compris sa biodiversité. Cela inclut une installation zéro béton, réversible, à faible densité, à panneaux surélevés, perméable...
À travers le seul projet que l’entreprise a pu développer en Wallonie (avant la mise en place de la circulaire actuelle), Pierre de Liedekerke a illustré leur recherche de solutions les plus adaptées possibles pour les agriculteurs, en garantissant l’accès à la terre et l’agriculture nourricière notamment. Bien conscient des préoccupations des agriculteurs, il souhaite développer un agriPV vertueux et encadré.
Yves Vandevoorde (coordinateur de la FUGEA, syndicat des agriculteurs) est enfin intervenu pour partager son point de vue, soutenu par la volonté de défendre une agriculture durable. Pour ce faire, il a d’abord rappelé quelques éléments de contexte qui caractérisent la réalité des terres agricoles. Il a souligné l’importance de la fonction principale de la zone agricole, la fonction nourricière, et de développer notre souveraineté alimentaire.
Yves Vandevoorde a présenté différents facteurs à prendre en considération dans la problématique de l’AgriPV : le grand nombre d’agriculteurs locataires et non propriétaires, l’artificialisation des terres, l’augmentation des prix des terres agricoles, les revenus plus élevés pour la production d’énergie par rapport à la production agricole, le manque de structure publique pour réguler le foncier, la concurrence entre production industrielle et agriculture durable…
Pour Yves Vandevoorde, la Wallonie dispose d’assez de place pour mettre des PV sur d’autres espaces (déjà artificialisés). Ainsi, la FUGEA plaide pour une maximisation de l’installation des PV sur les toitures de bâtiments de ferme, notamment.
Retrouvez ci-dessous les slides de la présentation :