Orateur(s)
Anna Lechanteur Professeure Associée (Faculté de Médecine, Laboratoire de Technologie Pharmaceutique de Biopharmacie, ULiège)
Jan Saevels Pharmacien et Directeur Scientifique (Association Pharmaceutique Belge)

L’impression 3D de médicaments : une révolution dans le secteur pharmaceutique ?

    Résumé

    Jan Saevels, Pharmacien et Directeur Scientifique de l’Association Pharmaceutique Belge, a démarré la rencontre en rappelant le contexte du secteur des médicaments en Belgique.

    La prise de médicaments est l’intervention médicale la plus utilisée par les citoyens,  le médicament est un domaine très réglementé et qui est soumis à une autorisation de mise sur le marché (AMM), il peut être délivré sous prescription médicale ou pas, remboursable ou pas, ce secteur représente un budget annuel de plus de 5 milliards d’euros, dépensés par l’assurance maladie pour le remboursement, les médicaments sont le plus souvent produits en grandes quantités mais parfois aussi à plus petites échelles, dans le cas de maladies rares, par exemple.

    L’AMM est le point de départ pour la mise sur le marché des médicaments à l’exception près des médicaments produits par préparation magistrale (médicament préparé pour un patient spécifique) qui doivent néanmoins, bien sûr, répondre à plusieurs conditions/exigences. Toutes les pharmacies (d’officine et hospitalières) faisant des préparations magistrales quotidiennement (80 millions d’euros remboursés en 2024), cette activité représente un intérêt économique et financier important.

    La production de médicaments, en pharmacie, se fait sous forme solide orale (gélule), avec des matières premières réglementées. Jan Saevels explique que ce processus de remplissage manuel est très chronophage et n’a pas connu d’innovation profonde depuis 1906... et qu’il est donc temps d’envisager de le changer et de l’adapter.

    L’impression 3D, aussi appelée « additive manufacturing », qui consiste à utiliser un matériau initial et à construire un objet couche par couche, avec un minimum de déchets, est une révolution, à cet égard, dans le secteur pharmaceutique.

    Anna Lechanteur, Professeure Associée à la Faculté de Médecine, Laboratoire de Technologie Pharmaceutique de Biopharmacie de l’ULiège, a ensuite brossé un aperçu des technologies d’impression 3D disponibles pour produire des médicaments. L’intérêt de ces technologies étant de pouvoir produire à façon et avec des diversités de formes très vastes.

    Outre la méthode d’impression sur lit de poudre (binder jetting) et la technologie d’impression 3D MEDTM largement utilisées d’un point de vue industriel, Anna Lechanteur a présenté, avec leurs avantages et inconvénients, les trois techniques d’impression 3D les plus adaptées pour produire des préparations magistrales. Ces trois technologies reposent sur un principe d’extrusion mais font intervenir des matériaux de base (« encres ») complètement différents.

    • La DPE, qui fait intervenir une poudre (et qui a fait l’objet de la conceptualisation d’une imprimante avec le Sirris) ;
    • La SSE, qui fait intervenir une pâte semi solide ;
    • La FDM, qui fait intervenir une bobine de filament chargé de principes actifs.

    Cette dernière technologie, développée dans le labo de Anna Lechanteur, a été expliquée plus en détails, et notamment le mode de production de filaments par extrusion à chaud pour ce type d’imprimante.

    Jan Saevels a quant à lui expliqué les intérêts de l’impression 3D pour les préparations magistrales solides. La personnalisation d’un traitement permet de réduire ou d’éviter les effets secondaires, une meilleure adhérence au traitement, l’augmentation de l’efficacité de ce dernier mais aussi :

    • des formulations polyvalentes (libération immédiate et prolongée) ;
    • une flexibilité des doses ;
    • une impression rapide ;
    • une qualité élevée ;
    • une diminution des déchets par l’impression du nombre exact de formes ;
    • un gain de temps pour les préparateurs ;
    • plusieurs actifs dans une forme (Polypills) ;
    • de faire face aux pénuries de spécialités (production locale).

    Quelques exemples cliniques d’usage de l’impression 3D ont ensuite été cités dont, la diminution progressive des doses (sevrage) pour arrêter la consommation de somnifères, les Polypills pour combiner différents principes actifs en une seule prise, la formulation inédite de cannabidiol en forme orale solide...

    Enfin, les aspects régulatoires à considérer pour l’utilisation de l'impression 3D pour réaliser des préparations magistrales ont été abordés et différents scénarios futurs envisagés en termes de production des encres (pâte produite directement en officine, production industrielle des matériaux permettant de remplir les cartouches en officine...) et de machines (FDM pas au grade pharma, seule imprimante conçue par FABRX très chère...). Ces deux aspects doivent être considérés séparément mais se pose la question également de savoir si on doit lier la vente des uns à la vente des autres. La qualité des encres, des machines restent un maître mot et est liée également au software utilisé pour la conceptualisation et la gestion des données et au patient et à son bien-être, bien sûr.

    D’un point de vue règlementaire, différents éléments sont à garder en tête actuellement : Il n’existe pas de monographie Pharmacopée Européenne ; un White paper est toujours en cours de rédaction par l'USP ; des discussions sont en cours avec l'Agence Européenne des Médicaments (EMA). Par ailleurs, des questions se posent quant à l’acceptabilité des patients (palatabilité, goût,...) et à la prescription des médecins… Quid, par ailleurs, des études cliniques, du positionnement de l’Agence Fédérale des Médicaments et Produits de Santé (AFMPS) et de la régulation transfrontalière qui devrait être harmonisée. 

    Et de conclure que cette innovation technologique dans le domaine pharma ouvre à de nombreuses opportunités, recouvre une grande diversité de technologies complémentaires, garantit des application thérapeutiques multiples avec notamment des solutions appropriées pour aller vers une médecine plus personnalisée. Les défis sont actuellement encore nombreux mais, en tout cas, parmi l’audience réunie à l’occasion de cette rencontre-conférence, l’optimisme est de mise quant à l’avenir du développement de la 3D à des fins pharmaceutiques.

    • Grande diversité de technologies (avantages et inconvénients)
      • Complémentaires
    • Indications thérapeutiques multiples
      • Nouvel outil de la médecine personnalisée
      • Pédiatrie / gériatrie
      • Maladies rares
    • Différents aspects à considérer en parallèle
      • "Encre"
      • Machine

     

     

     

     

    L’impression 3D, également appelée fabrication additive, regroupe plusieurs procédés de fabrication qui permettent de construire un objet à partir d’un matériau, couche par couche. Ces technologies ont d'abord émergé dans des secteurs comme l’aérospatial ou l’automobile.

    En médecine, des implants, prothèses ou encore instruments chirurgicaux sont développés grâce à cette technologie et, en 2016, le premier médicament, Spritam®, produit par impression 3D a été approuvé aux USA.

    Depuis, les recherches visant à promouvoir l’utilisation de ces technologies innovantes ne cessent de croître dans le secteur pharmaceutique. Mais quelles sont les technologies 3D utilisées pour produire des médicaments ? Quels sont les avantages par rapport aux procédés de fabrication industriels classiques ?

    Au travers de cette rencontre-conférence, nous verrons également comment les technologies d’impression 3D par extrusion peuvent servir à créer des traitements personnalisés dans les pharmacies d’officines ou hospitalières.

    Enfin, nous discuterons les aspects règlementaires limitant à l’heure actuelle l’utilisation de ces technologies additives pleines de promesses.