La « ville-territoire » comme laboratoire d'innovation
Résumé
L’exposé de la Professeure Martina Barcelloni Corte a permis de mettre en lumière plusieurs aspects relatifs à la notion de «ville-territoire» qui implique d’élargir notre regard sur le territoire en changeant de paradigme. Ainsi, chercher des synergies est préférable que de travailler un territoire en silos pour arriver à développer une vision systémique. Face à la multiplication des défis (élévation du niveau de l’eau, augmentation des températures, érosion des sols…), dont nous avons subi notamment les conséquences tragiques durant l’été 2021, se ré-organiser et penser autrement le territoire s’impose en effet.
Identifiant et travaillant sur les zones les plus fragiles qui correspondent souvent aux espaces habités, la Professeure Martina Barcelloni Corte a expliqué qu’avec son équipe, ils cherchent à comprendre, interpréter et améliorer le système. Pour cela, la Professeure a notamment insisté sur la nécessité de développer de nouvelles connaissances ainsi que des alliances avec de nouvelles disciplines.
Elle a ainsi introduit différents éléments-clés comme les espaces ouverts et la biodiversité comme moteurs pour déclencher des changements. Ces espaces jouent en effet un rôle pour construire des synergies avec l’espace urbain, habité. Sans oublier le rôle de l’eau, perçu comme un «grand connecteur».
Martina Barcelloni Corte a ensuite présenté le travail réalisé depuis un an et demi, en équipe transdisciplinaire, emmenée par le Professeur Jacques Teller, autour du bassin stratégique de la Vesdre, suite aux inondations de juillet 2021.
Etudiant ce bassin en crise à l’aune du changement climatique, il apparait évident que les inondations et la sécheresse seront les 2 grands défis du futur. Face à ces défis, une des premières conclusions qui s’impose est la prise en compte des interdépendances entre les différentes parties du bassin, trop souvent oubliées par l’aménagement du territoire. On ne peut plus oublier l’ensemble des relations. Et de parler ainsi de «solidarité territoriale».
Les travaux de l’équipe ont d’ores et déjà débouché sur quelques propositions dont nous ne reprenons ici que quelques éléments (voir les slides pour plus de détails) :
- La régénération urbaine et territoriale. Dans cette conception, la ville-territoire peut être considérée comme une ressource renouvelable. Il s’agit donc de réutiliser, transformer et valoriser les ressources déjà présentes sur nos territoires au lieu de construire du nouveau.
- Au-delà des friches, ce processus, dit de réparation, peut être étendu à tous les milieux qui doivent aujourd’hui être améliorés. Cette stratégie alimente toutes les autres aux yeux de l’équipe.
- Changer la vision de l’eau. Ralentir, temporiser, améliorer l’efficacité de tous les espaces traversés par l’eau. Mettre en place des stratégies pour augmenter sa capacité hydraulique, son efficacité, utiliser les espaces non urbanisés pour l’extension des crues. Toujours avec cette volonté de relier, il faut agir sur le ruissellement en amont pour être efficace;
- Doter la vallée d’une nouvelle image et d’une nouvelle économie. Tout en conservant la valeur patrimoniale de l’existant, il faut rendre résilientes les constructions industrielles de grande qualité;
- Miser sur le locale et le circulaire;
- Déminéraliser l’espace public. Ne plus construire dans les vallées sèches.
Après avoir partagé dans les grandes lignes de la grande carte du chemin stratégique tracé par l’équipe pour le bassin versant et ainsi partagé toutes les potentialités pour la vallée, la Professeure a également fait part du défi actuel qui touche à l’opérationnalisation des études. Pour cette phase, l’équipe plaide pour la création d’un «laboratoire de la Vesdre». Faire de ce territoire un lieu d’expérimentations qui aiderait le gouvernement à construire la vision.
La transition appelle en effet des changements de gouvernance notamment mais aussi l’adoption de nouveaux outils.
Martina Barcelloni Corte a conclu en rappelant la nécessité de repenser certaines typologies de façon structurelle et celle d’apprendre à vivre autrement.
Elle a émis les recommandations suivantes : faire évoluer la culture du bâti et la politique foncière, faire évoluer le plan de secteur, développer une culture du risque par une sensibilisation collective (les inondations en ont révélé son absence).
La chercheuse a alors introduit la suite de l’exposé, pris en charge par le Bureau d'Architecture « Baumans et Deffet » en ouvrant la réflexion sur le projet d’un laboratoire «Grand Liège». Les défis auxquels nous faisons face aujourd’hui ne nous amènent-ils pas, en effet à prendre en considération sérieusement les changements de paradigme pour l’ensemble du territoire liégeois ?
Les friches industrielles ne pourraient-elles devenir un exemple de transition en marche. Elle a émis un sentiment partagé par beaucoup : notre territoire traverse un moment très particulier. On devrait en profiter pour le faire entrer de plein pied dans la transition.
Jean-Christophe Culot, Architecte et Urbaniste associé au Bureau d'Architecture "Baumans et Deffet", a ensuite pris la relève en appuyant encore les propos déjà partagés. Nous sommes dans un momentum propice aux changements. Tout en détaillant 3 projets sur lesquels le Bureau a notamment eu la chance de travailler ces 3 dernières années, en Région Wallonne (cfr : le Powerpoint), Jean-Christophe Culot a, plusieurs fois, interpellé l’audience pour changer de regard et considérer le territoire comme une ressource en transformation (que ce soit la vallée ou d'ancien site industriel).
Le Bureau d’Architecture étant lui aussi impliqué dans les travaux de reconstruction dans la Vallée de la Vesdre, Jean-Christophe Culot l’affirme également : ces récentes inondations font en sorte que l’on s'intéresse à nouveau à ces territoires. Il y a lieu d’élargir le champs de la question de la reconstruction à quelque chose de plus large, en considérant les vallées renaissantes – joli nom porteur pour penser les territoires en transition.
L’approche et la stratégie systémiques seront les clés pour développer des territoires résilients, portés par des ambitions transversales. Il insiste aussi sur l’importance des espaces ouverts (développer la biodiversité, laisser de la place à l’eau, connecter les espaces ouverts) et sur le volet socio-spatial (développer les proximités au quotidien, notamment), en plus du volet bâti, pour augmenter l’attractivité de la vallée, aux yeux de ses habitants.
En ce qui concerne ce qu’il a qualifié de «Vallée ardente», c’est-à-dire le Masterplan de redéploiement industriel et économique des sites HF6, Cokerie, HFB et Chertal, Jean-Christophe a rappelé encore la nécessite de changer de regard, dans un contexte de transition écologique. Il y a lieu de réindustrialiser en intégrant un nouveau paradigme environnemental ! De penser l’économie de demain en lien avec le territoire. Cela passe notamment par le fait de passer du modèle de linéarité (qui a mené, depuis l’époque industrielle, à l’épuisement actuel des ressources) à une économie circulaire. Cette circularité doit également s’appliquer au niveau des sites et dans des projets souples qui prennent en compte l’existant, avec une logique de préservation du patrimoine.
Enfin, parlant de «traverser les échelles», notre orateur a également introduit la notion de «projet de territoire» et de laboratoire de projets. La complexe articulation de la mise en œuvre de tous ceux-ci en un projet intégré doit rester souple, adaptable et évolutive avec le temps.
C'est une vision «laboratoire» qui doit se mettre en route, pour que ces lieux d’élaboration de projets puissent se développer sur un temps nécessairement long !
Retrouvez ci-dessous les présentations de la rencontre :
Annonce
À l’horizon 2050, la Terre comptera presque 10 milliards d’êtres humains, dont 2/3 vivront dans des villes.
Il apparait dès lors indispensable de trouver des solutions innovantes pour répondre aux diverses problématiques existantes (la mobilité, le logement…) et de repenser nos façons de vivre pour y intégrer de nouveaux modèles d’urbanisation.
La notion de « ville-territoire » peut nous y aider. La Professeure Martina Barcelloni Corte, nous sensibilisera à ce modèle qui sera, selon elle, au centre des défis à relever. Il s’agira, en effet, à l’avenir, de comprendre cette notion pour construire un modèle urbain d’un genre « nouveau ».
Fort de son expérience issue du bureau d’architecture Baumans et Deffet, qui a pour philosophie de transformer de manière permanente et durable l’environnement construit, Bernard Deffet nous partagera également son point de vue quant à la question de « comment habiter la ville de demain ? ». Reconversion de friches, superposition de certaines fonctions … l’objectif est d’arrêter d’urbaniser les terres agricoles et les milieux ruraux, en général, et de redévelopper l’économie dans la vallée, sur des sites qui ont déjà été urbanisés, et situés à proximité des infrastructures de mobilité alternative (le rail et l’eau), par exemple.
Avec, à la clé, une économie des sols, le développement de la biodiversité et une meilleure gestion de l’eau.
Une rencontre inspirante pour devenir des « cultivateurs d’environnement » et rendre le terrain d’action fertile, de la plus grande à la plus petite échelle.