Industrie 4.0 : les défis humains et organisationnels

Cette rencontre-conférence a été organisée en rebond à celle qui s’est tenue en avril dernier, chez Technifutur, et qui abordait l’industrie 4.0 sous l’angle de la production.
Aujourd’hui nous nous sommes concentrés sur les aspects organisationnels et humains que sous-tend l’implémentation de l’industrie 4.0.

Anastassiya Zabudkina, Chercheuse au Laboratoire d’Études sur les Nouvelles formes de Travail, l’Innovation et le Changement (LENTIC) à HEC-Liège, a introduit la rencontre en expliquant que l’industrie 4.0 est souvent implémentée comme un incontournable sans bien cerner tous les enjeux que cela sous-tend.
Aussi, il n’existe pas de définition universelle du concept de l’industrie 4.0 tant les secteurs d’application sont nombreux. Ce concept implique, en effet, plusieurs éléments ; nouvelles technologies, nouveaux processus, et nouveaux modes de travail et d’organisation.

Anastassiya Zabudkina a expliqué les tenants et aboutissants de son étude menée dans le cadre de la recherche doctorale « Défis organisationnels et humains de l’Industrie 4.0 : quelle(s) réalité(s) dans les entreprises industrielles wallonnes ? ».
Ce projet sur 4 ans, mené par le Digital Lab HEC-Liège et plusieurs partenaires et investisseurs wallons a démarré la première année par une étude de la littérature existante des leviers et barrières présents au sein des PME industrielles.

Sur base de cette étude, Anastassiya Zabudkina a exposé de nombreuses tensions identifiées, ainsi que les facteurs freinant ou facilitant le passage à l’industrie 4.0 du point de vue organisationnel et humain relatifs aux trois niveaux suivants :

WHY – le contexte interne :

• Complexité organisationnelle avec un pouvoir centralisé vs un contrôle décentralisé avec peu de niveaux hiérarchiques
• Manque de formation régulière des employés vs formation régulière
• Manque d’une culture forte d’adaptation et d’ouverture vs culture basée sur l’expérimentation

HOW – le processus d’implémentation :

• Manque de vision claire de l’industrie 4.0 vs définition claire des objectifs
• Perception de l’industrie 4.0 comme un changement chronophage vs un long voyage
• Manque de considération pour les craintes des employés vs stratégie RH d’accompagnement

WHAT – les choix stratégiques:

• Retour sur investissement réactif et court terme vs proactif et long terme
• Capital technologique vs capital humain
• Solutions technologiques standards vs solutions sur mesure

Geoffroy Jennes, Senior project manager Digital & Analystics chez EQUANS Digital, a ensuite illustré de manière pragmatique la réalité de terrain et pointé les défis organisationnels et humains de l’industrie 4.0, au travers de cas pratiques d’accompagnement d’entreprises industrielles wallonnes, dans leur transformation vers des méthodologies, processus, solutions et technologies Industrie 4.0.

Geoffroy Jennes a introduit son exposé avec quelques constats :
-    75% de projets 4.0 tombent à l’eau car l’Humain n’a pas su être mis comme pierre angulaire du projet ;
-    50% de l’énergie du projet est dédicacée à l’Humain ;
-    85% des projets échouent s’ils durent plus de 8 mois ;
-    70% n’arrivent pas à terme si on ne se base que sur des enjeux financiers.

Aujourd’hui dans le cadre de la transformation vers l’industrie 4.0, il est important de savoir que le facteur Humain intègre plusieurs parties prenantes : l’individu, l’organisation, l’entreprise, l’équipe/les collègues. Il intègre donc toutes les composantes de l’entreprise : la direction, les managers, les travailleurs.

Geoffroy Jennes a insisté sur le fait que le WHY est primordial pour le succès d’un projet :
il est indispensable, avant toute chose, de comprendre pourquoi on fait les choses et donc d’expliquer la vision. Tout projet doit démarrer par un WHY, duquel découlera le HOW et le WHAT. Aussi, la collaboration est cruciale dans le facteur humain.

Il a ensuite partagé quelques outils / changements clés que l’on peut déployer dans les projets 4.0 :

• Les 10 règles d’or du top management : faire tomber les murs, définir la stratégie et les objectifs, rendre cela clair et réaliste, donner et assurer les moyens (pas seulement financiers), garder le cap tout en restant flexible sur la trajectoire, partager les succès et les difficultés du projet, être impliqué et présent, prendre des décisions, célébrer le succès, garder le rôle de pilote.

Il a décrit la transformation vers l’industrie 4.0 comme un voyage ; il faut faire rêver les gens mais aussi faire des arrêts, des étapes.

• Le rôle du manager/leader : arrêter de diriger et devenir un leader (aller chercher le talent, pas l’expérience), identifier et constituer la bonne équipe (jouer sur le relais d’énergie positive et non les liens hiérarchiques) / le rôle important des RH, être flexible et s’appuyer sur les méthodes agiles pour animer les projets.
• Le rôle du travailleur : capitaliser sur son talent et le développer (le talent, c’est ce que vous faites bien, un peu mieux que les autres et plus facilement), être prêt à s’améliorer sans cesse, adopter l’approche des petits pas.

Retrouvez ci-dessous les présentations de cette rencontre :