Orateur(s)
Tamara Dangouloff PhD Santé Publique Économie de la Santé (Faculté de Médecine, ULiège), Cheffe de Projet Baby Detect (CHU Liège)
Laurent Servais Professeur de Maladies Neuromusculaires Pédiatriques (Université d’Oxford), Coordinateur de l’Étude Baby Detect (Faculté de Médecine, ULiège)

Dépistage génétique néonatal : et si nous étions la région où les maladies rares commencent à disparaître ?

    Résumé

    Nous réunissions à la tribune, deux chercheurs passionnés et déterminés pour nous présenter le projet de recherche Baby Detect.

    Laurent Servais, Professeur de Maladies Neuromusculaires Pédiatriques (Université d’Oxford) et Coordinateur de l’Étude Baby Detect (Faculté de Médecine, ULiège) et Tamara Dangouloff, Chercheuse et Cheffe de Projet Baby Detect (Université de Liège), nous ont d’abord présenté la genèse du projet.

    Les deux chercheurs travaillaient sur une maladie sévère grave et dégénérative, l’amyotrophie spinale. Un traitement post symptomatique pour cette maladie est arrivé en 2016 mais ce dernier, même s’il évitait un décès prématuré, ne permettait « que » de légers progrès moteurs et le ralentissement des symptômes, sans soigner le handicap. Un garçon de 1 an dont la maman était enceinte était notamment suivi par leur équipe. Quand ils ont effectué un test à la naissance de sa sœur, ils ont constaté qu’elle allait développer la même maladie. Les chercheurs ont alors fait le choix de la traiter, avant l’apparition des symptômes. Grâce à ce traitement précoce, l’enfant, plafonne aujourd’hui à toutes les échelles du développement moteur et grandit parfaitement normalement.

    Grâce à une collaboration étroite entre le centre de référence des maladies neuromusculaires et le laboratoire de dépistage néonatal (Dr. François Boemer), un pilote de dépistage a pu être initié pour l’amyotrophie spinale à Liège dès mars 2018, puis en région Wallonie-Bruxelles dès la fin de l’année 2018. Ce pilote a été particulièrement efficace et convainquant de sorte qu’il a pu être inclus dès mars 2021 dans le programme officiel. Depuis décembre 2022, le dépistage est également d’application en Flandre. Le programme pilote wallon, qui constituait une première européenne, a pu être diffusé dans 24 régions/pays et les enseignements qui en ont été tirés font maintenant l’objet d’un programme de formation auxquels ont participé 83 médecins ou biologistes de 29 pays.

    C’est de cette expérience aux nombreux impacts positifs, tant socialement qu’économiquement, et du constat qu’on pouvait être plus efficace dans le traitement préventif que curatif, qu’est né le souhait de pouvoir organiser un dépistage néonatal génomique de masse afin d’initier, le plus tôt possible, un traitement adéquat des maladies génétiques traitables, sévères et précoces.

    Le projet de recherche Baby Detect, en collaboration avec le service de génétique et de dépistage néonatal du Dr. François Boemer, d’une durée de 3 ans, a débuté il y a un peu plus d’un an (1er screening le 1/9/2022). Il consiste à dépister, à la naissance, plus de 120 maladies génétiques qui apparaissent dans la petite enfance et pour lesquelles il existe un traitement efficace et remboursé ou un essai thérapeutique prometteur en cours.

    Dans le cadre du programme officiel du dépistage néonatal, en Fédération Wallonie-Bruxelles, quelques gouttes de sang sont prélevées pour dépister 19 maladies graves et traitables de l’enfant ; c’est ce qu’on appelle le test de Guthrie. Avec Baby Detect, il est actuellement possible d’en déceler 126, en ne prélevant que quelques gouttes de sang supplémentaires. La liste des maladies identifiées a été établie avec la contribution de spécialistes dans tous les domaines de la pédiatrie et est fréquemment mise à jour.

    La prise de sang étant réalisée à 48h de vie, l’information des parents, qui doivent donner leur consentement, est primordiale. L’équipe peut compter sur le support des gynécologues, du personnel de l’ONE et des pédiatres. Le test, non obligatoire et gratuit actuellement, rencontre une très forte adhésion (91%).

    Après 1 an de screening (2840 réalisés aujourd’hui), les chercheurs envisagent le futur. Ce projet pionnier devra, en effet, pour changer le monde, outre ses publications scientifiques et ses partages dans le monde entier, trouver d’autres sources de financement. Cela passe bien sûr par convaincre les responsables politiques. Mais le financement des projets de recherche ayant ses limites, il faudra aussi, pour pérenniser le projet, un autre modèle. Ainsi, Laurent Servais et le CHU de Liège réfléchissent à créer une société qui permette de proposer le test en tant que service.

    L’équipe réfléchit à tous ces aspects avec la volonté d’offrir cette possibilité de screening génomique au plus grand nombre d’enfants dans le monde et de les mettre sur un pied d’égalité au niveau des maladies traitables. Un test aujourd’hui coute 250 euros. Le problème n’est pas le coût du test mais celui du traitement. Pour rendre les traitements disponibles partout dans le monde, ils émettent aussi l’idée d’un principe d’assurances de traitement, contractées avec le test, qui donneraient la possibilité à l’enfant d’être traité, en cas de maladie grave ou de limiter le tests aux maladies pouvant être traitées partout dans le monde.

    Plus d’infos sur le projet : babydetect.com

    Babydetect a reçu le soutien de la Fondation Léon Fredericq.

    Les équipes du Professeur Servais (Service de Pédiatrie) et du Professeur Boemer (Service de Génétique) du CHU Liège ont mis en place un programme pionnier de dépistage néonatal génomique : Baby Detect.

    La méthodologie de Baby Detect se base sur un séquençage ciblé des gènes impliqués dans 126 maladies génétiques traitables de l’enfant. Ce dépistage précoce permet d’initier un traitement avant l’apparition des symptômes ou des lésions irréversibles. Après recueil du consentement parental, l’analyse génomique s’effectue à partir de quelques gouttes de sang prélevées à la naissance sur des cartes de Guthrie dédiées.

    Ce programme novateur, qui a pour finalité de couvrir l’ensemble de la population des nouveau-nés, pourrait permettre, chaque année, d’éviter à des centaines d’enfants de développer une maladie invalidante, voire de décéder prématurément.

    Cette rencontre-conférence permettra notamment d’aborder les enjeux sociaux et économiques de ce projet de recherche.


    Découvrez ici le reportage « ULiège, la Fabrique des possibles » avec Tamara Dangouloff.

    Baby Detect est soutenu par la Fondation Léon Fredericq