Comment concilier progrès numérique et responsabilité écologique ?

En rebond à notre conférence de lancement de saison axée sur la sobriété, cette conférence-débat, modérée par Nicolas Neysen, Docteur en Sciences Économiques et de Gestion, en charge de la Transformation Numérique à HEC-Liège, a plus particulièrement mis le focus sur la sobriété numérique.

Alors que la transformation numérique est incontournable, ses impacts négatifs sur l’environnement peuvent réduire à néant les autres efforts de réduction d’empreinte carbone. Il est donc question de trouver les meilleures façons de faire converger compétitivité et réduction d'empreinte environnementale.

[4:37] Lisa Lombardi, Experte Entrepreneuriat, PME et Numérique à l’Union Wallonne des Entreprises a démarré la rencontre en présentant brièvement l’UWE, ses objectifs en lien avec ceux poursuivis par la Wallonie, et le focus mis sur la durabilité et la soutenabilité dans l’accompagnement des changements en cours et à venir pour de nombreuses entreprises pour :

• accélérer la transition énergétique, écologique, numérique, sociétale (santé, bien-être, éducation, formation, diversité, inclusion, égalité de genre...) ;
• s'inscrire dans une démarche de durabilité et de RSE afin de contribuer aux ODD et de générer des impacts positifs ;
• s’inscrire dans une économie plus circulaire, porteuse d’efficacité et d’opportunités ;
• s’inscrire dans une trajectoire qui allie bien-être, prospérité et durabilité, pour tous les acteurs, qu’ils soient publics ou privés.
   

Elle a également fourni un panorama des ressources mises à disposition pour les entreprises, en lien avec la thématique du jour (commission du numérique, commission spécifiquement dédiée à la RSE, cellule environnement, initiative SDG, fiches pratiques, étude Digital4Climate).

[10:47] Olivier Vergeynst, Directeur de l’Institut Belge du Numérique Responsable (55 membres), a rappelé les impacts environnementaux (plus de GES que l’aviation civile !) et sociaux du numérique tout au long de son cycle de vie.

L’idée du Numérique Responsable (NR) est de transformer les 3P (People, Planet, Profit) en actions via les 4 axes suivants :

• Green IT : réduire l'empreinte environnementale du numérique ;
• Human IT : vers un numérique éthique, accessible et inclusif ;
• IT for Green : utiliser le numérique pour réduire l'empreinte environnementale de l'humanité ;
• IT for Human : mettre l’informatique au service de l’Humain.
   

L’impact des équipements a ensuite été abordé. Dans l’infrastructure numérique mondiale, la source d’impact principale vient des équipements des utilisateurs, et non des équipements réseaux et centres de stockage de données ou serveurs. La fabrication / production est la cause principale des émissions de carbone, à cause de la quantité phénoménale de matières premières présentes dans les smartphones (exemple de l’iPhone 11) et de la nécessité d’extraire de grands volumes dans les mines pour obtenir de très petites quantités de cuivre ou autre métal utile.

L'impact des usages, quant à lui, est lié à l’évolution du trafic internet mondial et la quantité croissante de données, surtout liée aux vidéos. Il est important de parler également des impacts sociaux liés à l’accessibilité car on n’y pense pas dans nos usages au quotidien (exemple du daltonisme).

Olivier Vergeynst a expliqué les nombreuses raisons d’agir pour un NR au sein des organisations et que cela concernait, en interne, tous les métiers. Aussi les 3 grandes thématiques pour agir sont l’équipement et le parc IT, les usages numériques (bonnes pratiques) et l’écoconception des services numériques (questionner les besoins, le design...). Pour finir son intervention il a donné des exemples de ressources proposées par l’ISIT : guides, outils, formations, calculatrice My Impact ... et renseigné l’outil Printwhatyoulike.com.

La table ronde qui a suivi les présentations, modérée par Nicolas Neysen, a abordé les points suivants :

• [25:14] Est-il possible de dresser un panorama du NR aujourd’hui en Wallonie ? Quelle part des entreprises est conscientisée ? Où en est-on par rapport à nos voisins ?

Nous ne disposons pas de chiffres spécifiques et d’un bilan à proprement parlé pour la Wallonie mais au travers de ceux issus du baromètre des ODD, on peut noter un réel engouement des entreprises envers les ODD (58% prêtes en 2020, 73% en 2022). Outre une prise de conscience certaine, il y a du travail à faire au sein des organisations pour concrétiser l’intention. Nous sommes à la traîne, par rapport à la France, où beaucoup de PME se sont lancées dans le développement de services pour répondre aux défis des grandes entreprises, là où nous n’en sommes qu’au stade de la sensibilisation.

• [29:55] Se lancer dans une politique de NR n’est-elle pas en une contrainte supplémentaire alors qu’il est déjà compliqué de rester compétitif en période de crise ?

L’étude menée par Agoria a confirmé que le retour sur investissement est positif à long terme et renforce la compétitivité des entreprises. Le NR ne demande pas nécessairement de grandes initiatives ni l’engagement de coûts élevés. Il s’agit juste d’intégrer des changements dans notre façon de faire et cela peut même engendrer des réductions de coûts. Le NR apporte toute une série de gains mais nous devons aussi et surtout réduire nos usages et aller vers plus de sobriété.

• [35:26] On parle beaucoup de greenwashing. Sur le plan du NR, comment peut-on faire la différence entre les actions qui ont un réel impact et celles qui relèvent de la communication ?

Détecter le greenwashing est une question d’apprentissage. Il est important de regarder l’impact sur une chaine de valeur globale et pas juste sur une petite partie. Au-delà de l’engagement pour la planète, il faut souligner que la démarche du NR fait partie de l’image de l’entreprise et de son attractivité en matière d’engagement RSE.

• [39:54] Les équipements utilisateurs représentent la plus grande source d’impact. Est-ce que l’on considère l’usage domestique ET professionnel ? Fait-on une différence ?

Les deux sont compris dans l’étude dont il a été fait mention dans l’introduction. On remarque que l’empreinte globale personnelle est plus élevée pour les employés que pour la moyenne de la population à cause du matériel utilisé dans les bureaux et vu l’usage numérique élevé.

• [41:30] Quels conseils peut-on donner à une entreprise qui souhaite se lancer dans le NR ? Y a-t-il des pièges à éviter ?

Un des premiers conseils est d’avoir une feuille de route pour ne pas partir tous azimut. Il faut choisir ses chevaux de bataille et définir 3-4 priorités à mettre en œuvre dans l’année qui suit. Le choix de ces priorités, propres à chaque entreprise est très important afin d’éviter les fausses bonnes idées. Pour ce faire l’ISTI propose un outil gratuit qui permet de calculer les sources d’impact d’émission de carbone. L’échange d’expériences est également très important, comme se faire accompagner tout au long du processus.

Avant de rebondir sur les questions des participants, nos orateurs ont clôturé leurs échanges en soulignant l’importance des petits pas et l’utilité de toute démarche initiée.

[47:03] Sur base des questions posées par les participants, nos orateurs ont abordé les sujets suivants : le rôle des politiques publiques pour inciter au changement (importance de la sensibilisation, de la formation et des compétences), la politique de prolongation de l’usage des équipements dans le temps et la compétitivité, le matériel reconditionné, la 5G (pour le public et le secteur industriel), la menace de l’effet rebond...

Pour conclure, retenons que pour avancer vers plus de NR, il est indispensable de questionner les usages dans leur ensemble (achat, durée de vie, recyclage, réduction de la quantité de données stockées... MAIS AUSSI accessibilité et inclusion pour tous).

Ressource supplémentaire : le 4^èmeCahier du Digital du HEC Digital Lab.

Retrouvez ci-dessous le replay et les présentations de la rencontre :